Univers n Le Musée d'art moderne et contemporain d'Alger abrite depuis hier une exposition rétrospective du plasticien franco-algérien Djamel Tatah, reconnu sur la scène internationale. C'est pour la première fois que ce dernier présente ses créations en Algérie, une œuvre aussi bien originale que mystérieuse, sobre, minimaliste, tout en silence, mais qui nous interpelle par son aspect unique, devant laquelle l'on ressent la solitude, la mélancolie, une douleur contenue, et qui suscite en chacun de nous une vive curiosité. En effet, chose qui attire l'attention du visiteur, c'est le caractère de ressemblance qui marque les peintures de l'artiste. Toutes se ressemblent. Chaque composition est effectivement exécutée de façon identique. Mais ce qui nous semble a priori une similitude se révèle en fait une simple impression. Car chacune porte en elle sa marque, son empreinte, son ADN. D'abord sur le plan de la représentation, le plasticien se plaît – comme s'il s'agissait d'un jeu, voire d'un amusement – à reproduire le même sujet : des personnes (seules, à deux ou plusieurs, toutes représentées dans différentes postures et situations), des individus simples, anonymes, indéterminés, fragiles et pensifs ou absents – même si ses peintures, à quelques exceptions près, ne portent pas de titre, et ce, afin de ne pas engager le regard dans une interprétation narrative ou documentaire univoque – évoluant dans un environnement vide, silencieux, dépouillé et de grande solitude, un lieu coupé de sa temporalité immédiate. Des personnes intemporelles donc. Idem pour l'espace : celui-ci est dématérialisé. Le plasticien crée un univers abstrait, même si la composition des personnages, ou encore l'architecture de l'espace, se veut en quelque sorte figurative. Pourtant, ce figuratif – ou cette figuration – ne peut être qu'un prétexte à une sublime, ultime abstraction intentionnelle. C'est pour exprimer, par cette abstraction significative, un sentiment, une vision, une approche tant pour l'art en question que pour le monde, qu'il soit psychique ou social, c'est-à-dire des expériences liées au vécu, le sien ou celui partagé avec autrui. C'est toute une existence, personnelle ou collective, qui est dite dans l'œuvre de l'artiste. C'est l'histoire de l'homme qui est racontée. Et ce récit est narré en images : il utilise une technique de dématérialisation à partir de photographies prises par lui-même, qu'il numérise et projette sur la toile pour s'en servir de trame. Le dessin est alors projeté ou agrandi sur la toile. Cela semble évident que le plasticien s'intéresse de plus près à l'homme, à la fois en tant qu'individu et comme être social, tant celui-ci est révélateur de sens, porteur de réponses aux questionnements moraux, politiques, sociaux, cultures ou encore psychologiques ou existentiels. Il donne à voir et à comprendre l'essentiel de la condition humaine. Il traduit ainsi une réalité permanente. Celui qui s'est engagé dans la réalisation de grands formats et de polyptiques s'emploie avec un sens créatif aigu met en scène des figures humaines grandeur nature, vidées de leur chair et de leur volumétrie, dans des espaces colorés géométriques et plans. Ces personnes semblent silencieuses, suspendues, comme figées dans le temps – même celui-ci est suspendu. Cette composition est rejouée d'un tableau à l'autre. Cela donne d'emblée l'illusion d'une ressemblance. Mais ce jeu est joué autrement, différemment. Puisque les thèmes varient d'une peinture à l'autre. Autrement dit, la répétition s'impose alors comme un moyen d'expérimenter une représentation abstraite de l'homme contemporain. Organisée par le ministère de la Culture, en collaboration avec l'Académie de France à Rome-Villa Médicis et la Fondation française Marguerite et Aimé Maeght, l'exposition est visible jusqu'au 21 novembre au Musée d'art moderne et contemporain d'Alger (MaMa), Yacine Idjer