Attentif aux enjeux de la représentation contemporaine dans la pratique picturale, Djamel Tatah développe un dispositif qui se nourrit de techniques anciennes (peinture à la cire), de la photographie et des techniques actuelles de numérisation. Dès les premières années, ses tableaux mettent en scène des figures humaines grandeur nature situées de plain-pied dans des espaces colorés aux textures inégales. A partir de 1990, les fonds s'épurent, les couleurs s'intensifient, l'œuvre évolue vers une simplification des éléments de décor (architectures, mobilier, accessoires) qui cèdent la place à des formes géométriques planes et colorées. Les aspects les plus singuliers et anecdotiques des figures sont volontairement neutralisés par le traitement pictural de l'artiste. La prise de vue photographique, la numérisation, la fragmentation, la recomposition, puis la projection sur toile sont autant de moyens de dématérialiser les figures réduites ainsi à l'état de trace. Son attention se concentre alors sur la position des corps, les gestes et les attitudes des figures. Celles-ci sont ensuite remises en présence par la peinture, investies d'un tout autre propos. A partir de 1996, il réalise quelques grands tableaux sur lesquels une même figure se répète indéfiniment. Privilégiant le processus de répétition au détriment du changement des formes et des sujets, la peinture de Djamel Tatah rejoue sans cesse une disposition du tableau à rendre compte d'une représentation abstraite de l'homme. Figurative, le plus souvent sur des fonds monochromes, à base d'huile et de cire sur toile et dans de grands formats, la peinture de Djamel Tatah orchestre un ballet de personnages aux figures ascétiques, tous à leurs vertiges silencieux, des silhouettes saisies dans la tension de la pose et du regard qui semblent contenir leur point de fuite et sa fin. Le plasticien travaille à partir de photographies réalisées par lui-même puis numérisées. Devenu un dessin qui prend déjà ses distances avec le modèle, projeté sur la toile, il donne la matrice d'une silhouette sur laquelle l'artiste travaille jusqu'à aboutir à ces figures à l'apparence "fantomatique" qui se voient réinvesties d'une forte manifestation de présence. Avec un seul (3/4 des tableaux) ou plusieurs personnages aux postures, bouches et regards irrésolus, l'œuvre de Djamel Tatah est à sa façon une expression de l'absence, de la solitude générique de l'aventure humaine. Dans cet exercice de figuration stylisée qui cultive la tension des formes, lignes, surfaces et couleurs "sourdes et vibrantes", cet artiste soucieux de construire une œuvre "à échelle humaine" se préoccupe de rendre visible le vivant et d'établir un rapport au temps, "un temps du Dire". Djamel Tatah est né en 1959 à Saint-Chamond. Il a fait ses études à l'École des beaux-arts de Saint-Étienne entre 1981 et 1986. Il vit et travaille à Paris.