Passion - Le manga est un genre de bande dessinée typiquement japonais. Il est si typique qu'il devient un phénomène de société mondial. Au Japon, de nombreux mangas sont adaptés à la télévision et au cinéma ; même leur style devient une référence. En Algérie, le manga a ses adeptes, qu'ils soient lecteurs ou auteurs. L'on parle pour le second, de mangaka. Et ils sont plusieurs. Ils sont nombreux à adapter ce genre de bande dessinée à la réalité algérienne, d'où l'appellation commune de «DZ manga», un manga 100% algérien. Ainsi, toutes ces bandes dessinées s'inscrivent dans la lignée de cet art originaire du Japon tout en se fondant dans le quotidien algérien. Un cocktail dont raffolent les jeunes de tout le pays. Le DZ manga, donc conçu et fabriqué en Algérie, est diffusé en français, en arabe dialectal et bientôt en berbère. Il y a Amir Cheriti. Ce jeune auteur de 33 ans, natif de Sétif et vivant à Jijel, est fortement inspiré par l'animation japonaise. Cette passion pour le manga le pousse d'abord à dessiner en imitant les différents styles observés au gré des lectures. Mais plus tard, à l'âge adulte, il mène un travail de recherche sur ses dessins, en leur apportant une empreinte personnalisée, mais toujours d'inspiration manga. Ce n'est qu'à partir de 2008 qu'il entame son aventure d'auteur : il publie dans ‘Laabstore', un magazine algérien spécialisé dans le manga, des BD courtes dont ‘Fast'n'Algerious' et ‘Mon meilleur ami'. Son style s'améliore d'expérience en expérience, et c'est en 2012 que Amir Cheriti voit enfin son rêve d'enfance se réaliser : il publie aux éditions Z-Link son premier livre manga. Il a pour titre ‘Roda'. Le personnage principal de cette BD est Roda, un adolescent peu bavard, mystérieux et dérangeant à la fois. Ce jeune garçon est en fait un sans-abri. Il tente avec succès de transformer son quotidien et celui de son entourage, dans un bidonville, en une belle épopée. Roda se révèle ainsi le remède de cette jeunesse désœuvrée – et sans avenir. En effet, ces jeunes arrivent à oublier, le temps d'une présence, celle de leur nouvel ami, leur mal vivre. Cette année, Amir Cheriti, qui s'est soigneusement attaché à algérianiser le dessin, a collaboré avec l'illustratrice Yasmine Boubakir sur un autre album : ‘Loundja'. L'histoire d'une jeune lycéenne tout à fait normale, n'est la «maladie» rare dont elle est atteinte, qui lui fait inverser ses émotions, riant quand elle est triste, et inversement. Son syndrome est prétexte pour les auteurs à une histoire captivante et riche en rebondissements. Tous deux ont démontré une forte capacité d'imagination. - Qui dit auteurs, dit immanquablement maisons d'édition. L'une d'entre elles, celle qui s'est spécialisée dans la promotion du manga version algérienne est Z-Link. «Le manga algérien est notre marque de fabrique. C'est ce qu'on appelle le DZ manga», déclare Salim Brahimi, fondateur de Z-Link. Selon l'éditeur, Z-Link est en pleine progression. «Nous possédons un catalogue d'une dizaine de titres depuis sa création en 2007. Nous avons commencé l'aventure à deux. Maintenant nous sommes près de 30 salariés. Nous réalisons chaque année 5% de croissance en moyenne», explique-t-il. «Notre maison d'édition encourage les jeunes mangaka en publiant des extraits de leurs œuvres dans un mensuel totalement dédié aux mangas et aux jeux vidéo, ‘Laabstore'», renchérit-il. Le mensuel, lancé en 2008, ne cesse de remporter un formidable succès en librairie. «De 2 000, nous sommes passés à 10 000 exemplaires vendus en cinq ans en popularisant les premiers DZ mangas», souligne-t-il. Ce succès tient des dessins typiques et des histoires racontées, histoires traversées par un humour décapant et une intrigue à suspense. C'est aussi parce que les mangas algériens se distinguent par le choix de leurs scénarios. Autrement dit, les histoires racontées sont des scènes authentiquement algériennes. Notons que le DZ manga a été invité au Festival international de la BD d'Angoulême (janvier 2013) et à la Comédie du livre de Montpellier (juin dernier). Il a été, par ailleurs, exposé au musée international du manga de Kyoto. Il a fait, en outre, l'objet d'étude à l'université de Philadelphie (Etats-Unis).