Résumé de la 134e partie - Les propos de Marcelle – dans la chambre du Dr – sont ceux d'une hystérique. Mlle Davois, serait-elle devenue folle ? Tous les jours, je me suis regardée dans la glace de ma chambre... Toute nue ! Voulez-vous que je me mette nue devant vous, Denys ? — Pas ça ! — Je vous ai déjà dit que je ne partirai pas ! Je ne suis pas comme l'autre, moi ! Vous ne voulez pas encore me voir nue parce que vous avez honte de n'avoir pas su deviner ni découvrir cette beauté qui était près de vous depuis une année ! Mais je te pardonne, Denys... Tu ne pouvais pas savoir ! Tu n'es encore qu'un enfant... mon petit enfant à moi seule ! Je t'aime... Elle avait hurlé ces derniers mots comme si elle avait voulu qu'ils résonnassent dans toute la maison, que toute la ville les répétât... Clémentine les avait entendus : elle parut, ma vieille bonne, sur le pas de la porte. Ce fut pour moi la délivrance et je retrouvai la force de crier : - «Clémentine ! cette femme est folle !» Marcelle Davois s'était retournée vers la porte et murmura dans un souffle rauque en regardant ma nounou : - «Vous, misérable !» puis elle s'écroula au pied de mon lit, frappée de syncope. Aidé de Clémentine, je la transportai dans sa chambre où je l'allongeai sur son lit. Le cœur battait faiblement. - «Vite, Clémentine ! Va prendre ma trousse dans mon cabinet.» Dès qu'elle revint, je fis une piqûre d'huile camphrée. Peu à peu la misérable reprit des couleurs, le souffle redevint régulier et ses yeux s'entrouvrirent : le regard était hagard. On sentait qu'elle cherchait à parler encore, mais Clémentine lui mit la main sur la bouche tout en me disant : - «Va te reposer, Denys. Tu en as grand besoin ! Laisse-moi seule avec elle. Je la veillerai jusqu'à ce qu'elle s'endorme.» — C'est ça, Clémentine ! Jusqu'à ce qu'elle s'endorme... Donne-lui ce calmant... Je ne veux plus la voir... Jamais !» Et je rejoignis ma chambre en titubant : j'étais ivre d'une vision d'épouvante. Aussi ma stupéfaction fut-elle immense de voir entrer dans mon cabinet Marcelle Davois le lendemain matin à huit heures comme si rien ne s'était passé la veille ! Elle était de nouveau là devant moi telle que je l'avais toujours connue : le visage impénétrable encadré par le voile blanc et la silhouette emmitouflée sous la cape bleu marine. C'était à se demander si c'était bien la même femme que la folle hystérique criant un amour impossible. Le regard lui-même avait retrouvé sa froideur glaciale. La voix sèche, dans laquelle il n'y avait plus la moindre intonation douce, me dit : - «Bonjour, docteur. Je pars pour ma tournée. Avez-vous des instructions spéciales à me donner ?» Je répondis sur le même ton impersonnel : - «Non. Rien de spécial. À tout à l'heure, Marcelle.» Une phrase que je répétais machinalement chaque matin mais qui me parut. ce jour-là une véritable dérision. (A suivre...)