Rencontre - Corto Maltese est le nom du personnage d'une bande dessinée au titre éponyme. Son auteur est Hugo Pratt. Les histoires fascinantes de cet aventurier atypique continuent de plaire et de faire rêver les adeptes du 9e art. L'originalité de cette bande dessinée, c'est que les histoires racontées à travers le personnage sont inspirées de la réalité. Les aventures à la fois extravagantes et extraordinaires de Corto Maltese s'inscrivent dans un contexte historique, elles font référence à des situations vécues ainsi qu'aux expériences personnelles propres à l'auteur. Le pouvoir créateur d'Hugo Pratt consiste dans cette capacité, voire ce talent, de mêler à la fiction des éléments relevant de l'Histoire. D'où le rapport, de quelque degré que ce soit, à l'Histoire. C'est dans ce sens que Michel Pierre, lors d'une conférence à l'espace Madaoui (Riad-el-Feth), a souligné : «L'univers dans lequel Corto Maltese évolue est fortement nourri des expériences personnelles de Hugo Pratt, à savoir ses lectures, ses voyages, ses influences ou encore ses rencontres, teinté de cette Histoire à laquelle Hugo Pratt a appartenu. Tout cela a alimenté le monde de Corto Maltese. L'on est dans un univers composé de magie et d'onirisme, un monde de «fantaisie absolue» et de «réalisme hard». C'est un univers fascinant, exceptionnel. Ainsi, Corto Maltese, devenu un vrai phénomène de bande dessinée (du vivant d'Hugo Pratt (il est décédé en 1995), le tirage était de 400 000 exemplaires), est une littérature certes d'aventure, d'évasion, mais «elle est fortement inspirée de la réalité, souvent du vécu de l'auteur», a expliqué Michel Pierre, spécialiste de Corto Maltese. Cela dit, c'est une littérature inscrite à la fois dans la réalité et dans le rêve ou l'imaginaire. «C'est une fantaisie qui part de la réalité, puisqu'elle alimente d'une façon démonstrative l'imaginaire d'Hugo Pratt. Si la bande dessinée entretient un rapport spécifique à l'Histoire, peut-elle, par ailleurs, générer des mythes ? A cette question, Michel Pierre répond : «Comme dans la littérature ou le cinéma, oui bien sûr ! A l'inverse du cinéma, la bande dessinée est un art qui ne nécessite pas de moyens gigantesques. Donc oui, la bande dessinée a généré des personnages mythiques comme l'a fait le roman et comme c'est également le cas du cinéma. Il faut vraiment considérer la bande dessinée comme un moyen d'expression comme les autres ; un moyen de création et d'expression artistique.» Le temps d'un exposé, Corto Maltese, personnage mythique inspiré de la réalité, a été raconté par Michel Pierre, historien français, ayant connu son créateur, Hugo Pratt. Un personnage universel A la question de savoir s'il y a une suprématie de «l'homme Blanc» sur le monde qui transparaît dans le travail d'Hugo Pratt, Michel Pierre répond : «Non, mais pas du tout, parce que le personnage de Corto Maltese est une sorte de mélange de latinité, avec des origines gitanes, avec des ancêtres de toute la Méditerranée, donc il n'y a pas de suprématie de l'officier britannique dans tout cela. Au contraire, le personnage de Corto Maltese est universel, il n'a pas de nationalité. C'est un personnage qui a traversé toutes les frontières, il a eu une vie à peu près sur tous les continents.» Pour illustrer ses propos, le conférencier a expliqué que Hugo Pratt a fait naître son personnage au centre de la Méditerranée, une mer aux influences culturelles et civilisationnelles diverses, une région située à la croisée de l'Orient et de l'Occident, entre la rive sud et la rive nord du bassin. Là, il fait référence à l'île de Malte. C'est pour dire toute la symbolique, voire la charge historique que revêt le personnage de Corto Maltese et de son environnement dans lequel ce dernier évolue et prend toutes ses proportions qui déterminent chacune de ses actions. L'orateur a ensuite, évoqué la personnalité du héros : «C'est un personnage silencieux, solitaire, mais rapide, qui sait intervenir au bon moment, quelqu'un de lucide, de pertinent, même s'il apparaît excentrique, étrange. C'est aussi un personnage indifférent, il affiche un curieux détachement de la réalité...» Une intuition nommée Corto Maltese Michel Pierre a, par ailleurs, souligné que le personnage de Corto Maltese est né de l'intuition de Hugo Pratt, une intuition qu'il qualifie de géniale, car l'artiste a su créer un personnage de bande dessinée à la silhouette et au style unique. Un genre intemporel. Et reprenant l'expression de Coco Chanel, l'orateur dit : «La mode se démode, mais pas le style.» Et cela s'applique parfaitement à Corto Maltese. Mais, il se trouve que le look de Corto Maltese n'a pas toujours été immédiat, puisque le personnage n'a existé dans l'imaginaire de Hugo Pratt qu'en second plan. «En 1967, Corto Maltese apparaît dans ‘La ballade de la mer salée', c'était un personnage qui occupait une place secondaire, presque insignifiante, voire inexistante», a-t-il déclaré, avant de poursuivre : «Mais ce n'est que plus tard que Corto Maltese va occuper une place de choix dans l'univers de Pratt.» En effet, Hugo Pratt va affiner la silhouette de son personnage, améliorer son style, il va faire de Corto Maltese un personnage principal. «Hugo Pratt va travailler sur les traits qu'il va définitivement organiser, il va développer son caractère, renforcer sa personnalité...», a-t-il souligné.