Fondateur et propriétaire de AGES, une entreprise de fabrication d?équipements sportifs, Rachid Ghouici aurait pu être artiste peintre (la peinture est son hobby) ou un fonctionnaire des impôts (il est diplômé de l?Itfc), mais il a préféré se consacrer à son sport favori : le bodybuilding. Un beau jour, il a décidé de fabriquer ses propres machines pour un usage personnel. Ses produits étaient tellement performants que toutes les nouvelles salles de musculation l?ont sollicité pour en être équipées. Aujourd?hui, la marque AGES est pratiquement leader dans son domaine en Algérie au grand plaisir d?un entrepreneur qui n?entend pas s?arrêter en si bon chemin. InfoSoir : Que veut dire AGES ? Rachid Ghouici : «Ages» veut tout simplement dire : «Atelier Ghouici pour l?équipement sportif» ; Ghouici étant, bien entendu, mon nom de famille. Comment vous est venue l?idée de fabriquer de l?équipement sportif ? Dans les années 1980, il n?y avait pas encore de salle de musculation en Algérie et je m?entraînais seul avec un ami ; avec seulement des barres et des haltères. Puis en 1989, j?ai vu une machine sur une revue et je me suis proposé d?en fabriquer une. J?ai emprunté le matériel nécessaire, un poste à souder et j?ai réalisé une presse rudimentaire que j?ai toujours conservée comme vestige de cette époque. Combien de temps avez-vous mis pour la réaliser ? Pratiquement deux mois. Mais entre-temps mon compagnon d?entraînement avait décidé d?émigrer en Arabie saoudite. Cependant, avant de partir, il m?a proposé de fabriquer des vélos d?appartement, mais ce projet n?a pas abouti. Toutefois, notre idée était de concevoir un matériel pour pouvoir s?entraîner chez soi et ne pas avoir à sortir en raison des événements tragiques qui secouaient la région en cette période. Et un beau jour, en 1991, un autre camarade a ouvert une salle à Rouiba et il m?a demandé si je pouvais lui fabriquer des machines pour l?équiper. Je n?ai pas hésité et je me suis lancé. Comme j?étais un pratiquant, je crois que j?ai su concevoir un matériel adapté et très vite, il a eu un grand succès à Rouiba. Certains athlètes ont même cru qu?il était importé d?Italie. D?ailleurs comme le nom de Ghouici sonne un peu italien, le propriétaire de la salle leur a fait croire que c?était effectivement un matériel d?origine italienne. C?était une sorte de reconnaissance ? Oui, parce que j?avais l?ambition de réussir et ça m?a encouragé puisque juste après j?ai engagé quelques ouvriers et j?ai commencé à équiper, petit à petit, des salles qui s?ouvraient tout en essayant d?améliorer mes produits. Combien de salles avez-vous équipées à ce jour ? J?en suis à près de quatre cent cinquante sur le territoire national qui fonctionnent avec mes machines et mon matériel. C?est énorme ? Oui, mais j?espère faire mieux. Comment expliquez-vous le succès de votre équipement ? Par la garantie et surtout la biomécanique c?est-à-dire le fait d?avoir adapté mes machines à la mécanique humaine. Je dois préciser que j?ai pratiqué le bodybuilding moi-même et je suis arbitre international et entraîneur. Par conséquent, quand je conçois une machine, je la réalise complètement en fonction du groupe musculaire qui est sollicité et souvent sur des idées originales. Qui sont vos clients ? Les salles privées, ainsi que les jeunes qui sont engagés dans le cadre des projets avec l?Agence nationale pour le soutien de l?emploi de jeunes (Ansej). Comment êtes-vous parvenu à être un leader sur le marché de l?équipement sans aucune publicité ? En Algérie, le bouche à oreille constitue la meilleure des publicités. D?ailleurs, j?ai participé pour la première fois à un salon, il y a quelques années. Toutefois, j?envisage d?être présent à la prochaine foire de la production nationale avec la participation de vingt-cinq athlètes sélectionnés pour faire des démonstrations. Est-il vrai que vous voulez rendre hommage à Momo Benaziza, le plus grand culturiste algérien de tous les temps qui a disparu en octobre 1992 ? Oui, je veux lancer une compétition à partir du mois d?octobre prochain que j?ai l?intention de dénommer «l?Open Benaziza», en hommage à ce grand bodybuilder qui était parvenu à faire trembler les meilleurs champions et qui a représenté dignement l?Algérie. Envisagez-vous d?exporter vos équipements ? Non, pas du tout. Certes j?ai eu des contacts avec la Libye, mais honnêtement je n?ai pas les capacités suffisantes pour pouvoir pénétrer un marché international. Et que pensez-vous du marché algérien de l?équipement sportif ? Il y a de nombreux concurrents qui sont apparus, mais je voudrais qu?on facilite aux jeunes l?ouverture de salles dans le cadre du programme de l?Ansej. Aujourd?hui quand un jeune se lance dans ce créneau, on exige de lui un agrément mais pour avoir l?agrément, on lui demande un diplôme. Or, en Algérie, on ne délivre pas de diplôme en bodybuilding. Avant, pour ouvrir une salle, c?était plus facile car cela entrait dans le cadre d?une activité commerciale. En Algérie, le culturisme est pratiqué surtout par les jeunes garçons, mais d?autres catégories commencent à s?y intéresser, notamment les femmes ? Les garçons ont toujours eu un engouement pour le culturisme parce qu?il permet de le développer et de le mettre en valeur. Dans les pays arabes, les femmes ne le pratiquent pas, mais préfèrent l?aérobic ou des exercices isométriques. Il y a aussi le problème du dopage qui continue de ternir l?image du bodybuilding? Oui, parlons-en. Il faut d?abord faire la différence entre les produits dopants et ceux qui ne le sont pas. Il ne faut pas faire l?amalgame entre les compléments alimentaires et les stéroïdes anabolisants. Quelle est la différence entre les deux ? Elle est énorme. Les compléments alimentaires vendus en Algérie comme la «mega masse» ou les poudres de protéines sont des produits à base d?ingrédients naturels comme le blanc d??uf ou le lait. Ils sont mis au point et commercialisés par des laboratoires renommés et sérieusement contrôlés. Chez nous, ils sont vendus chez les pharmaciens et dans certaines boutiques, dites «diététiques». En Europe, où les réglementations en hygiène alimentaire sont strictes on les trouve en vente libre dans les supermarchés. Ce sont des suppléments qu?on donne à des personnes âgées de sept à soixante-dix ans pour compenser certaines carences alimentaires. Le problème c?est que lorsqu?on achète ces produits on dit «donnez-moi du dopage», alors qu?en fait en Algérie, on ignore ce phénomène et sachez que la Fédération international de bodybuilding mène une lutte contre les anabolisants depuis plus de vingt ans, c?est-à-dire qu?elle a commencé bien avant les autres fédérations. Mais il y a bien des produits dopants qui circulent en Algérie ? Oui, je ne le nie pas. Il y a des produits dopants interdits qui entrent au pays et sont vendus, au noir, à des individus et même des équipes qui les utilisent. Alors moi, je dis qu?on se trompe de combat. Au lieu de mettre en cause les suppléments alimentaires inoffensifs, certains feraient mieux de mener des enquêtes sur les vrais produits dopants qui, eux, font des ravages sur ceux qui les consomment. Qu?on s?attaque à la vraie source du mal ! Arnold Shwarzenegger a été un grand champion de bodybuilding avant de devenir l?acteur célèbre qu?il est. Est-il une référence pour vous ? Oui, mais ce que je regrette c?est qu?en Algérie, il n?y a pas encore de fédération de bodybuilding alors que sa pratique est très répandue dans le pays. Moi-même je suis membre de la Fédération d?haltérophilie et je dis que si on donnait juste le neuvième du budget au bodybuilding, on pourrait ramener au moins cinq médailles. Le bodybuilding algérien sera-t-il représenté aux prochains Jeux arabes ? Non, on nous a dit que notre demande a été formulée tardivement. Si la fédération algérienne de bodybuilding voyait le jour, seriez-vous intéressé par sa présidence ? Non, pas du tout. Je n?ai ni le temps ni les compétences requises. Et qui verriez-vous à la tête d?une telle fédération ? Pour le moment, cela fait six mois que je fais des recherches et je n?en ai pas trouvé un seul. Tous ceux que j?ai contactés n?avaient qu?un seul but : présider pour se remplir les poches. Par ailleurs, je constate que tous les présidents des différentes fédérations sont du Centre. Ce n?est pas normal ! Express - AGES ? L?avenir - Meftah ? Ma ville natale - Arnold Shwarzenegger L?idole - Mohamed Benaziza Le symbole du bodybuilding algérien - Mohamed Racim ? Mon peintre préféré - Driassa ? C?est aussi un bon peintre - Salvadore Dali ? Le maître - Le bodybuilding ? Il faut l?encourager - Zidane ? Il aime l?Algérie - Abdelkader Ghouici ? Mon frère auquel je rends hommage