Résumé de la 29e partie n L'éléphant blanc, en séparant deux animaux qui se battaient sur la place, s'attire toute la sympathie de la population... Cette salle de repos était une coupole imposante, soutenue par une double colonnade de marbre rose. Des étoffes du plus grand prix fermaient les issues et retombaient en gros plis sur le parquet de mosaïque. Mon lit était un amas odorant de bois de santal réduit en fine poussière. Mon auge était une vasque d'argent massif où quatre personnes se fussent baignées à l'aise. Mon râtelier était une étagère de laque dorée couverte des fruits les plus succulents. Au milieu de la salle, un vase colossal en porcelaine du Japon laissait retomber en cascade un courant d'eau pure qui se perdait dans une corbeille de lotus. Sur le bord de la vasque de jade, des oiseaux d'or et d'argent émaillés de mille couleurs chatoyantes semblaient se pencher pour boire. Des guirlandes de spathes, de pandanus odorant se balançaient au-dessus de ma tête. Un immense éventail, le «pendjab» des palais de l'Inde, mis en mouvement par des mains invisibles, m'envoyait un air frais sans cesse renouvelé du haut de la coupole. A mon réveil, on fit entrer divers animaux apprivoisés, des petits singes, des écureuils, des cigognes, des phénicoptères, des colombes, des cerfs et des biches de cette jolie espèce qui n'a pas plus d'une coudée de haut. Je m'amusai un instant de cette société enjouée ; mais je préférais la fraîcheur et la propreté immaculée de mon appartement à toutes ces visites, et je fis connaître que la société des hommes convenait mieux à la gravité de mon caractère. Je vécus ainsi de longues années dans la splendeur et les délices avec mon cher Aor ; nous étions de toutes les cérémonies et de toutes les fêtes, nous recevions la visite des ambassadeurs étrangers. Nul sujet n'approchait de moi que les pieds nus et le front dans la poussière. J'étais comblé de présents, et mon palais était un des plus riches musées de l'Asie. Les prêtres les plus savants venaient me voir et converser avec moi, car ils trouvaient ma vaste intelligence à la hauteur de leurs plus beaux préceptes, et prétendaient lire dans ma pensée à travers mon large front toujours empreint d'une sérénité sublime. A suivre George Sand