Patrimoine - Vrais ou faux, contestés ou non, les contes et légendes propres à la capitale sont nés, pour la majorité d'entre eux, dans les entrailles de la Casbah et y sont toujours entretenus par ses habitants grâce à une transmission orale toujours de rigueur. «Dar Khdaoudj El Aâmia»(l'aveugle, «Fatma Lemâakra» (la parfumée), «La fontaine aux poules», «Le vieux naïf»..., autant de légendes et contes, aux appellations poétiques et aux évocations nostalgiques qui peuplent la vieille cité et meublent à ce jour encore, le quotidien de ses habitants. Car, plus qu'aucun autre endroit de la capitale, la mythique Casbah d'Alger a toujours été un vivier fertile propice à la naissance des contes et légendes, au point que cet héritage culturel immatériel, farouchement préservé par ses habitants à travers la transmission orale, est devenu un symbole identitaire algérois. Si l'on attribue l'apparition de cet héritage culturel au XVIe siècle pendant la période ottomane, contes et légendes continuent à faire partie du vécu des «Casbadjis», qui aiment à les ressusciter à travers leurs discussions, le plus souvent pour se référer aux messages et enseignements qu'ils véhiculent et à la sagesse à laquelle ils renvoient. C'est le cas, en particulier, lors de circonstances festives ou culturelles, comme les veillées ramadanesques ou estivales, les soirées de fêtes religieuses (le Mawlid Ennabaoui notamment), voire, parfois, lors des célébrations de mariage (le rituel du henné) et de circoncision. Ces occasions sont mises à profit pour des retrouvailles entre proches et un prétexte, pour certains, de se réunir autour de citations et autres récits puisés du terroir. Certains contes et légendes sont plus fréquemment évoqués que d'autres, à l'image de la légende de «Fatma Lemâakra» dont la version la plus proche des faits serait celle qui «raconte» que deux sœurs, l'une pieuse et pratiquante et l'autre qui l'était moins, et qui avaient habité dans l'un des quartiers de la Casbah. Selon la légende, la moins pieuse des sœurs aurait offert le déjeuner à une étrangère de passage, ce qu'aurait refusé de faire l'autre. A quelques heures de cet acte généreux, la bienfaitrice fut retrouvée dans sa chambre inanimée, lavée et parfumée alors qu'elle était censée être seule : elle venait de rejoindre son créateur visiblement sous les signes d'une bénédiction divine, avait-on alors déduit. Si le patrimoine architectural universel, qu'est la Casbah, a vu naître et nourrir autant d'histoires immortelles, c'est précisément parce que la cité a été fondée autour et dans la Casbah alors que tout le bâti qui était en dehors des forteresses qui la protégeaient était considéré comme étant «Fahs» (extra-muros), tient à rappeler Mohamed Benmeddour. Historien, chercheur en patrimoine et spécialiste d'Alger, il ajoute que les particularités de la vie communautaire de la Casbah ont fait naître des légendes tissées par des familles musulmanes, juives, chrétiennes, qui s'étaient spécialisées dans divers métiers.