Bras de fer ■ Une nouvelle donne s'ouvre aujourd'hui en Ukraine après la folle journée de la veille marquée par la destitution de facto du président Viktor Ianoukovitch et la libération de l'opposante Ioulia Timochenko. L'espoir de sortie de crise de l'Ukraine est toutefois douché par l'inquiétude croissante de la communauté internationale de voir ce pays de 46 millions d'habitants un peu plus divisé entre l'est russophone et russophile, majoritaire, et l'ouest nationaliste et ukrainophone. Ainsi, le Premier ministre polonais Donald Tusk a estimé hier soir qu'il existait des forces menaçant l'intégrité territoriale de l'Ukraine, sans en préciser leur nature. Au cours d'une journée échevelée, les députés du Parlement ont décidé de la "libération immédiate" de l'opposante Ioulia Timochenko. Peu après, ils votaient ce qu'ils ont présenté comme une vacance du pouvoir justifiant une destitution de facto du chef d'Etat et l'organisation d'une présidentielle anticipée le 25 mai. "Le président Ianoukovitch s'est écarté du pouvoir et ne remplit plus ses fonctions", selon la résolution adoptée par le Parlement. Mais, de Kharkiv (est), l'intéressé, élu en 2010 et dont le mandat court jusqu'en mars 2015, a assuré qu'il n'avait nullement l'intention de démissionner. "Le pays assiste à un coup d'Etat (...) Je suis un président élu de manière légitime", a-t-il souligné dans une allocution télévisée enregistrée à une date inconnue et diffusée par une chaîne régionale. Alors que l'accord qu'il a conclu vendredi prévoit qu'il entérine rapidement des mesures adoptées par le parlement en vue de la formation d'un gouvernement d'union nationale, M. Ianoukovitch a souligné qu'il n'allait "rien signer avec les bandits qui terrorisent le pays". On ignorait dans la nuit de samedi à dimanche où il se trouvait. Selon le nouveau président du Parlement, Olexandre Tourtchinov, l'ex-chef d'Etat se cacherait dans la région de Donetsk (est), dont il est originaire. "Il a essayé de prendre un avion à destination de la Russie, mais il en a été empêché par des gardes-frontières", a-t-il déclaré. La Russie a accusé l'opposition de ne pas avoir "rempli une seule des obligations" figurant dans l'accord signé vendredi avec le président et dénoncé "les extrémistes armés et les pillards dont les actes constituent une menace directe (pesant) sur la souveraineté de l'Ukraine". Côté européen, le ton était radicalement différent. "Il n'y a pas de coup d'Etat à Kiev. Les bâtiments officiels ont été abandonnés. Le président du Parlement a été légitimement élu", a twitté le ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski, qui a participé cette semaine aux négociations entre opposition et pouvoir.