L'Ukraine élit aujourd'hui le successeur à Viktor Iouchtchenko dont la présidence a été autant mitigée que controversée. Après une campagne tumultueuse, les Ukrainiens se préparent à élire aujourd'hui le premier président de l'après-Révolution orange dans une ambiance tendue, le perdant, quel qu'il soit, risquant de contester le résultat du vote devant les tribunaux ou dans la rue. Viktor Ianoukovitch dont la victoire à la présidentielle en 2004 avait été invalidée pour fraude à la suite de ce soulèvement populaire pro-occidental, part favori pour le scrutin de dimanche après avoir devancé sa rivale Ioulia Timochenko de dix points au premier tour. Mais la combative Premier ministre, égérie de la Révolution orange, assure qu'elle gagnera. Elle a dénoncé des fraudes en préparation et a promis de mobiliser les électeurs pour un nouveau «Maïdan» en référence à la place centrale de Kiev, haut lieu de la Révolution orange. Son bras droit Olexandre Tourtchinov a envoyé hier une plainte au procureur général dénonçant «l'inaction des procureurs face aux violations de la loi dans des commissions électorales» des régions de Donetsk, Lougansk (est) et Zaporijia (sud) au profit du candidat Ianoukovitch. «Une nouvelle révolution est très peu probable, mais il faut s'attendre à une confrontation dans les tribunaux, dans la rue, au Parlement», résume Volodymyr Fessenko, analyste de centre d'études politiques Penta. «Si l'écart est de moins de 5 points (...) un troisième tour pourrait devenir possible», prévient, de son côté, le politologue Kost Bondarenko, de l'Institut des problèmes de la gestion. «Aucun des candidats n'a de ressources financières pour une nouvelle révolution à cause de la crise économique», ajoute-t-il, estimant que celle de 2004 avait coûté 0,5 milliard de dollars. «Pour la plupart des électeurs la différence entre Ianoukovitch et Timochenko est celle de sexe, et il est peu probable qu'ils se mobilisent pour défendre l'une ou l'autre», poursuit M.Bondarenko. «Choisissons ensemble entre une stagnation permanente et une révolution chronique», ironisait vendredi l'hebdomadaire Korrespondent avec en couverture M. Ianoukovitch portant une veste couverte de médaille à la Brejnev (leader soviétique de l'époque de la stagnation) et Timochenko tenant une bombe à la main. Alors que la campagne est interdite hier, M. Ianoukovitch a prié le matin devant les caméras et a allumé un cierge dans la Laure Kievo-Petcherska. Touchant elle aussi la fibre religieuse des électeurs conservateurs, Mme Timochenko a organisé vendredi une «prière collective pour l'Ukraine» et a demandé «pardon» pour ses erreurs commises. Noyés dans les accusations réciproques, les candidats n'ont pas présenté pendant la campagne de vision stratégique sur le développement de l'Ukraine, de l'avis des experts et de la presse. Et tous les deux ont eu des problèmes avec la loi. M. Ianoukovitch a purgé trois ans de prison dans sa jeunesse pour coups et blessures, des peines annulées plus tard par la justice, mais qui continuent de le poursuivre politiquement. Parallèlement des poursuites pour vol en Ukraine et versement de pots-de-vin à des responsables du ministère russe de la Défense en Russie hantent Mme Timochenko bien qu'elles aient été closes en 2005 dans des circonstances obscures. Les deux candidats entendent améliorer les relations avec Moscou, qui avaient tourné au vinaigre sous la présidence de Viktor Iouchtchenko ces dernières années au grand dam de l'Europe, otage de plusieurs guerres gazières entre les deux pays. Tous deux ambitionnent aussi de renforcer la coopération économique avec l'UE, la question d'une adhésion n'étant pas pour l'heure à l'ordre du jour à Bruxelles.