Tradition ■ Le fromage dit «Bouhezza», au goût piquant, légèrement acidulé, consommé tout au long de l'année dans les Aurès, a désormais sa fête annuelle. Soucieux de perpétuer ce savoir-faire ancestral et de préserver ce patrimoine culinaire propre aux Aurès, les services de l'agriculture organisent, en effet, pour la première fois, «la fête du Bouhezza». Les secrets de fabrication et d'affinage de ce délice traditionnel «bio», à base de lait de chèvre et de brebis, sont transmis de génération en génération par les familles chaouies. A la faveur de l'élevage intensif de caprins et d'ovins, qui caractérisait jadis la région des Aurès, le fromage Bouhezza, fabriqué à partir de la transformation du lait de chèvre et de brebis, avait sa place sur «les tables de toutes les familles qui pratiquaient l'élevage», affirme Messaoud C., un agriculteur de 60 ans résidant dans la commune d'Aïn Diss. Le Bouhezza «fut longtemps la seule manière de conserver du lait chez les familles des Aurès, notamment au printemps, lorsque l'herbe est assez haute pour nourrir le cheptel», souligne Messaoud, qui déplore cependant le fait que la tendance actuelle s'oriente vers l'utilisation du lait de vache pour la fabrication de ce fromage. C'est dans une outre (chekoua) en peau de chèvre que ce fromage était autrefois fabriqué, se souvient le sexagénaire qui semble beaucoup regretter le remplacement de cette «outre naturelle» par «un vulgaire morceau de tissu». Mais «le process de fabrication reste le même !», s'empresse-t-il d'ajouter, comme pour ne pas diminuer de la valeur du Bouhezza. Le procédé de fabrication de ce fromage, ajoute Messaoud, commence par l'égouttage et l'affinage, par le dépôt d'une quantité de lait caillé par fermentation naturelle (raïb) dans un tissu, «hors de la portée des enfants», insiste-t-il. Au fur et à mesure que les heures passent, la quantité d'eau égouttée est remplacée par du sel, qui permet au lait fermenté de perdre toute son eau et à la pâte de prendre forme en se rétractant et en se consolidant. Après le sel, une quantité de l'ben (petit-lait) est ajoutée à la pâte qui commence son processus d'affinage, ajoute Messaoud, qui souligne aussi que la pâte, une fois bien affinée, est pétrie avec de la poudre de piment rouge, d'où son goût piquant et sa couleur virant un peu vers le rose. «Bouhezza est présenté aux convives, en entrée, avec une bonne galette et c'est un vrai régal», souligne encore le sexagénaire qui se pourlècherait presque les babines à l'évocation de son fromage favori. Produits à «forte valeur culturelle et économique», les produits laitiers traditionnels, le fromage Bouhezza notamment, sont «le signe du dynamisme social et économique des communautés rurales féminines», assure Ali Fenazi, chef de service à la Direction des services agricoles. Il ajoute que des études effectuées à l'université de Constantine ont «prouvé la valeur nutritionnelle du fromage Bouhezza» avant de préciser que ses services œuvrent à «valoriser les ressources naturelles de la région» et a ressusciter «une tradition culinaire algérienne bien ancrée dans la société». A Oum El-Bouaghi, l'on pense aussi que la valorisation du Bouhezza passe aussi par l'encouragement de l'installation des petites entreprises spécia-lisées dans la fabrication de ce fromage, en particulier dans les milieux ruraux. Le Bouhezza dont l'appellation est tirée, selon certaines sources, des secousses imprimées à l'outre pour faire prendre la pâte, pourra être, durant le salon qui lui est dédié, ce jeudi, dégusté par les connaisseurs et découvert par les «profanes».