Avis ■ La cinématographie tunisienne est connue pour être dynamique, même si elle est devancée, depuis quelques années, par celle du Maroc. Toutefois, cette cinématographie a connu un bouleversement en 2011, après la chute du régime de Zine el-Abidine Ben Ali. Une nouvelle ère s'ouvre aux cinéastes tunisiens. Si avant, le cinéma tunisien se cantonnait uniquement à la fiction, un cinéma limité et régenté, il se trouve qu'après la chute, les réalisateurs ont plus de liberté et le ton est instantanément donné à un autre format, celui du documentaire. Un genre cinématographique mieux adapté aux nouvelles réalités. «Après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, il n'y a pas eu beaucoup de fiction, parce qu'il n'y a pas eu un travail de ‘'fictionnaliser'' la réalité, cela demande de la distance et du recul par rapport aux événements. Il faut attendre que les choses se décantent pour envisager une fiction», déclare Dora Bouchoucha, productrice tunisienne. Mais cela, selon elle, n'empêche pas que nombre de réalisateurs se sont tournés vers le documentaire pour immortaliser les événements. «Il y a eu cependant des documentaires très intéressants qui ont été faits», dit-elle, et de renchérir : «S'il y a plus de documentaires que de la fiction, c'est parce qu'avant, au temps de Zine el-Abidine Ben Ali, les cinéastes ne pouvaient pas en faire, parce qu'ils ne pouvaient pas parler de choses politiques, de problèmes sociaux, c'était donc limité.» Dora Bouchoucha explique que les cinéastes tunisiens arrivaient à contourner la censure en évoquant le vécu à travers la fiction. «Avec la fiction, ils arrivaient en revanche à détourner la censure pour pouvoir parler des réalités sociopolitiques, même les plus sensibles, mais de façon subtile», souligne-t-elle. Ainsi, le format documentaire l'emporte largement sur celui de la fiction. S'agissant du court-métrage, Dora Bouchoucha dit : «Il y a, en effet, un travail intéressant qui se fait, surtout après la chute où l'on a pu constater un vrai vivier de jeunes, une génération nouvelle avec une vision nouvelle et une approche inédite de l'art de faire du cinéma.» A la question de savoir si faire un court-métrage ne serait pas une manière de contourner les difficultés financières, Dora Bouchoucha répond : «D'abord, quand on est jeune, on commence forcément par le court-métrage. Là, ce n'est pas une question d'argent. C'est un exercice, un apprentissage. Quand on débute dans le métier, il ne faut pas directement s'attaquer au long-métrage. Pour en faire un, il faut avoir de l'expérience. Il faut donc passer par le court, qui est d'ailleurs une école.» Après la chute du régime de Zine el-Abidine Ben Ali, les choses ne sont plus les mêmes, d'où la question : produire en Tunisie serait-il aujourd'hui facile ou difficile ? A ce propos, Dora Bouchoucha déclare : «Il est vrai que la situation n'est pas la même. Mais, à mon avis, en tant que productrice, si le scénario est bon, si le réalisateur a un certain talent, moi je pense que ce n'est pas plus difficile qu'ailleurs. On confond toujours. On dit que chez nous c'est plus difficile de produire un film qu'ailleurs. Détrompons-nous. Il faut savoir que la production est difficile partout dans le monde. Il y a tellement d'images aujourd'hui que c'est difficile d'émerger, et pour émerger il faut avoir une particularité. Pour avoir le fonds requis, il faut que le scénario soit bon. Ce n'est pas le thème qui fait la différence, c'est bien au contraire, le traitement de ce thème qui fait la singularité. Si le cinéaste chargé de porter à l'écran un scénario a une vision particulière, je crois que c'est possible. Cela est une règle générale. Il n'y a vraiment pas d'exception...».