Evocation ■ Une émotion intense autour d'une grande dame, jeudi 8 mai. Une date des plus symboliques pour honorer la moudjahida Annie Steiner. Ses sœurs de lutte, ses amis et un public jeune sont venus en cet après-midi rendre hommage à celle qui, parmi ces moudjahidate, qui ont accepté le sacrifice de leurs belles années, tournant le dos à tout ce qu'elles avaient de très cher pour tisser au nom de l'Algérie. Annie Steiner. Digne, respectueuse de l'autre à jamais, généreuse, cette femme aux cheveux courts, blancs comme neige nous a donné une belle leçon de patriotisme et d'abnégation. Nul besoin de parler d'Annie Steiner, elle est l'exemple même de cette patrie qui l'a vue naître et dont le père avait dit un jour devant elle en prenant dans sa main une poignée de terre : «Regardez cette belle terre !» Avec un chemin de vie rempli, fille aimante, épouse, maman, militante, Annie Steiner s'est laissé accompagner dans ses souvenirs à travers un documentaire de 50 mn, réalisé par l'établissement Arts Et culture. Hadjout, sa ville natale, la maison familiale, les amis, les rues, le lycée Ibn Rochd (Duveyrier) de Blida qui a vu passer également Abane Ramdane et Ali Boumendjel. Encore des souvenirs, des pages d'existence qui ont refait surface et tant de petites choses, les unes après les autres, comme les grains d'un chapelet ... Le père, un homme hors du commun, qui lui fait aimer le vocabulaire arabe et qui meurt trop tôt. Hadj Sadok, le prof de langue arabe au lycée de Blida, et le trop peu d'Européennes dans la classe de Hadj Sadok pour se familiariser avec la langue arabe véhiculée par «les indigènes». Blida compte énormément pour elle, c'est le tremplin pour l'université où elle fait des études de droit. Chemin faisant, elle renoue avec son passé heureux. Elle répète sans se lasser qu'elle ne regrette pas son engagement militant et ne se complait pas dans les regrets. Qui n'a pas été ému jusqu'aux larmes à la salle Ibn Khaldoun face à cette dame qui a choisi les sentiers de la liberté algérienne, s'éloignant d'une vie bourgeoise et du confort octroyés par son appartenance à la classe européenne des intellectuels de l'époque ? Originaire depuis plusieurs générations d'Algérie, elle est de cette terre. De cette partie du Maghreb et d'Afrique. Rappelons qu'en prélude, l'assistance a pu écouter un autre moudjahid de la Fédération de France, en l'occurrence Moh Clichy Mohamed Ghafir, qui n'a pas lâché son bâton de pèlerin pour que l'oubli ne vienne pas ensevelir une deuxième fois les hommes et les femmes de l'émigration durant la guerre de libération. Ce natif de Guenzet, a fait le lien entre les massacres du 8 Mai 45 et le premier Novembre 54. Les villes de Guelma, Kherrata, Sétif, ont donné naissance aux signes avant-coureurs du déclenchement de la Révolution algérienne. Moh Clichy a rappelé les mots prémonitoires du général Duval, chargé du rétablissement de l'ordre, qu'il a adressés au gouvernement colonial : «Je vous donne la paix pour dix ans, à vous de vous en servir pour réconcilier les deux communautés. Une politique constructive est nécessaire pour rétablir la paix et la confiance.»Neuf ans et demi après la terrible répression française, le présage de Duval s'accomplit. Après le livre de Hafida Ameyar sur Annie Steiner, c'est au tour d'un documentaire réalisé par Arts et culture.