Il y a bientôt un an, le 17 mai 2012, disparaissait pour l'éternité la célèbre cantatrice algérienne Warda El Djazairia laissant derrière elle une scène artistique arabo-orientale orpheline du "tarab", ce genre musical authentique dont elle était sans conteste la dernière digne représentante. Celle que ses contemporains considéraient, à juste titre, comme la diva de la chanson arabe s'était éteinte naturellement au Caire à l'âge de 72 ans, et son corps, selon ses dernières volontés, vite rapatrié en Algérie, son pays natal, son "unique amour" avec lequel elle avait toujours tenu à partager, par son art, bien des événements. L'hommage appuyé que tout un pays -peuple et hautes autorités réunis-lui avait rendu, pour ses obsèques, était sans doute le meilleur témoin du parcours personnel et artistique exemplaire d'une grande dame, unanimement saluée comme ayant été à la fois une artiste d'exception à la voix pure, forte et envoûtante, un concentré de talent, de prestance et d'élégance et une femme de cœur et d'esprit. Les Algériens, toutes générations confondues, ne s'y étaient pas trompés en prédisant une très longue vie pour l'œuvre immense qu'aura léguée l'une des plus belles voix arabes de tous les temps et véritable icône du chant oriental dans ce qu'il a de meilleur. A en croire quelques bons disquaires de la capitale, un net regain d'intérêt pour les nombreux albums de Warda--son répertoire totalise quelque 300 chansons et environ 20 millions de ses albums on été vendus dans le monde entier— a d'ailleurs été constaté depuis le décès de la star, y compris de la part des jeunes générations de mélomanes. "La princesse du tarab partie, que restera-t-il de cet art sain et authentique? C'est que la chanson arabe est véritablement en deuil de son devenir, et pour longtemps, maintenant que s'est éclipsé pour toujours ce monstre sacré qui porta haut l'étendard de la chanson arabe et l'honneur de l'Algérie qu'elle chérissait tant": telle fut, à chaud, la sentence sans appel prononcée par Seloua, l'autre grande dame de la chanson algérienne. De son vrai nom Warda Ftouki, la regrettée était née en 1939 en France d'une mère libanaise et d'un père algérien, Mohamed Ftouki, originaire de Souk Ahras dans le nord-est algérien. Elle commence à chanter dès son jeune âge, dans les années 1950, dans un établissement d'arts propriété de son père, avant d'entamer une longue carrière artistique en Orient. Célèbre pour ses chansons sentimentales, écrites et composées par de grands noms de la chanson orientale, Warda (rose) est aussi connue pour des chefs-d'œuvre dédiés au combat du peuple algérien contre l'occupation française puis à chacune des grandes célébrations officielles de l'Algérie indépendante. Grand moment dans sa riche existence, elle participe, en 1972 à l'invitation du président défunt Houari Boumediene, aux célébrations du Xe anniversaire de l'indépendance de l'Algérie en interprétant une chanson spéciale, en hommage aux martyrs de la Révolution mais aussi en souvenir de ses propres retrouvailles avec sa patrie et ses compatriotes, après une longue absence. Ce fut alors, on s'en souvient, un événement national particulièrement émouvant que traduisaient bien l'éternelle "Min Ba'ide" et ses paroles empreintes d'amour infini pour la patrie retrouvée. "Ma patrie l'Algérie, ô mon amour", tel est l'inoubliable refrain de ce chant patriotique interprété, à l'occasion, devant un public en délire. L'artiste et ses bonnes initiatives étaient aussi attendus pour les célébrations en cours du cinquantenaire de l'indépendance (juillet 2012-juillet2013), festivités qu'elle manquera, hélas, de peu... Avant d'être surprise par la mort, la défunte préparait un clip spécial Cinquantenaire que le destin a voulu qu'elle ne terminât pas. Réalisé par un jeune cinéaste algérien, il sera être diffusé, à travers les télévisions algériennes et arabes, à l'occasion de ce premier anniversaire du décès de la diva. Warda repose aujourd'hui au Carré des martyrs du cimetière algérois d'El Alia où sa sépulture est fleurie en permanence par les nombreux admirateurs, soucieux avant tout d'entretenir le souvenir de l'idole à jamais disparue.