Avenir ■ Se dirige-t-on vers un bras de fer entre les instances du football et les joueurs des clubs professionnels à cause de l'affaire du plafonnement des salaires ? Ce qui s'est passé jeudi au stade Omar-Hamadi lors du match USMA-ESS restera dans les annales du football algérien. En effet, on disputait la 65' lorsque les deux capitaines d'équipe, Laïfaoui et Ziti, ont ordonné au reste des 20 acteurs d'arrêter de jouer pour contester la décision prise par les instances du football, soit la LFP et appuyée par la FAF, de plafonner les salaires des joueurs dès la saison prochaine. Les joueurs usmistes et leurs homologues sétifiens ont bien choisi le moment pour faire leur «coup» puisque la rencontre se déroulait sous les yeux de Mohamed Raouraoua, président de la FAF, Mahfoud Kerbadj, président de la LFP, mais aussi de Mohamed Tahmi, ministre des Sports, qui était accompagné de quelques autres membres du gouvernement. Au départ, personne n'avait compris l'arrêt soudain de la partie, alors qu'aucune action ne présageait cela, mais au fil des minutes la nouvelle s'est vite propagée. Ainsi, les capitaines d'équipe, qui avaient déjà menacé il y a quelques jours de monter au créneau, ont fini par mettre leur menace à exécution. Et encore, la contestation ne fait que commencer puisque selon certaines sources, les différents stades de la Ligue 1 devraient connaître le même scénario peu après l'heure de jeu, aujourd'hui. L'arrêt a duré sept longues minutes avant que la rencontre ne reprenne ses droits. Selon Kerbadj, qui a décidé de poursuivre sa mission à la tête de la ligue après avoir annoncé son départ en fin de saison, tous les contrats de joueurs ne respectant pas le barème des salaires arrêté en commun accord seront rejetés. Sauf que les clubs, passés sous la coupe de sociétés sportives par actions, donc des entités commerciales régies par le code de commerce, ont toute la liberté d'octroyer à leurs joueurs «employés» les salaires qu'ils veulent à partir du moment que les salariés cotisent et payent leurs impôts. Du moins, c'est ce qu'ils sont censés faire pour être en conformité avec la réglementation. Malheureusement, la réalité est tout autre puisque depuis 2011, soit une année – un exercice «bilanciel» – après l'avènement du professionnalisme, la plupart des clubs des Ligues 1 et 2 sont en situation de faillite. Malgré les menaces de la LFP de sanctionner les clubs n'ayant pas remis leurs comptes sociaux, rapports de gestion, les procès-verbaux des assemblées ordinaires ayant arrêté les comptes sociaux et bien d'autres exigences, aucun club n'a été réellement inquiété. Il faut dire qu'en l'absence d'une direction nationale de contrôle de gestion (DNCG), le bricolage a encore de beaux jours devant lui. Quant aux joueurs, et après le coup du match USMA-ESS, ils veulent constituer leur syndicat et recourir à des avocats pour défendre leur croûte. L'été s'annonce chaud dans le milieu du ballon rond algérien. Le rappel Kerbadj : «Cette décision n'a pas été imposée» Interrogé sur cette sortie inattendue des joueurs, le président de la Ligue de football professionnel, Mahfoud Kerbadj, a tenu à éclaircir les choses en rappelant que son instance, ou encore la FAF, n'ont jamais imposé cette décision, puisque ce sont les présidents de club qui l'avaient demandée. «Ce plafonnement n'a jamais été imposé par la Ligue. Ce sont les présidents de club qui l'ont décidé afin de juguler la masse salariale qui devient problématique et menace même l'intégrité des sociétés qui gèrent les clubs de football». La question Qu'en pensent les présidents Le premier responsable de l'USMA, Rebouh Haddad, a reconnu que c'étaient les présidents de club qui avaient pris cette décision, il y a quelques mois, et qu'il ne pouvait se désolidariser de cette démarche. Quant au boss de la JS Kabylie, Moh-Chérif Hannachi, il dénoncera l'attitude des joueurs sur les ondes de la Radio nationale en indiquant : «Depuis quand les joueurs décident à la place des dirigeants et de surcroît leurs employeurs. Ce qui s'est passé jeudi à Bologhine est très grave et restera gravé dans les annales du football algérien.» Le choix La caisse noire ou la fuite à l'étranger La suite ■ Le projet de plafonnement des salaires des joueurs professionnels sera-t-il maintenu contre vents et marées ? C'est une question, le moins que l'on puisse dire, légitime, notamment après la montée au créneau des joueurs et leurs menaces d'aller encore loin dans leurs revendications d'annulation dudit projet. Un projet, donc, qui risque d'être rangé au fond d'un tiroir de la Ligue de football professionnel, comme l'ont été d'autres décisions par le passé. Pour l'instant les «hostilités» ne font que commencer avec, d'un côté, des instances qui se disent intransigeantes, des présidents de club qui se réjouissent de maîtriser davantage une masse salariale affolante et qui ne cesse de grimper, et d'un autre côté des joueurs, à leur tête les capitaines d'équipe, qui ne veulent pas lâcher des salaires mirobolants qui donnent le tournis aux plus hauts cadres de l'Etat. En effet, un joueur qui touche un salaire de 200 ou 300 millions centimes, n'acceptera jamais de passer à une mensualité de 120 millions. La Ligue a déjà menacé de ne pas accepter les contrats de joueurs dont le salaire dépasse les limites exigées. A titre d'exemple, on se pose la question de savoir comment se fait-il qu'au Mouloudia d'Alger, club qui a accepté le plafonnement des salaires au même titre que les autres, on puisse faire signer au gardien Fawzi Chaouchi un contrat moyennant un salaire de 200 millions de centimes ? En tout cas, si la décision de plafonner les salaires venait à être appliquée, il faudra s'attendre à des départs de plusieurs joueurs à l'étranger, notamment en Tunisie où les grosses cylindrées de ce championnat épient la moindre possibilité d'enrôler un international algérien. Côté clubs, on évoque la possibilité de compléter la différence salariale des joueurs par des primes plus conséquentes, alors que certains parlent carrément de caisses noires qui permettraient «d'équilibrer» la masse salariale, au moment où Kerbadj exige une traçabilité : d'où vient l'argent et où va-t-il ? Toutefois, le patron de la Ligue a indiqué que si les clubs recouraient aux dessous de table, ce ne sera pas son affaire, mais celle des organes de contrôle (commissaire aux comptes, IGF,...). Ce qui, donc, laisse la porte ouverte à un consensus à peine voilé entre les clubs et les instances du football. La note Les mises en garde de la LFP Récemment, la Ligue de football professionnel avait rendu public un communiqué où elle mettait en garde les clubs professionnels contre la non-application de la nouvelle note qui concerne ce projet de plafonnement des salaires. «La LFP rappelle aux clubs professionnels des Ligues 1 et 2 l'obligation quant à l'application des décisions prises lors des réunions du 25 et 26 décembre 2013 ayant regroupé les représentants de la FAF, de la LFP ainsi que les représentants des clubs concernant le plafonnement des salaires des joueurs. A ce titre, les seuils de rémunération ont été fixés de façon objective selon les critères préétablis avec l'assentiment de l'ensemble des présidents des clubs. Aussi, les clubs des Ligues 1 et 2 sont tenus de veiller au respect des niveaux de rémunération tels que mentionnés dans la grille des salaires (PV des réunions du 25 et 26/12/2013 diffusés à l'ensemble des clubs). Tout contrat dont le salaire dépasse le seuil fixé par cette grille fera l'objet d'un rejet systématique», lit-on dans ledit communiqué. Voilà qui a le mérite d'être clair.