Vous saurez, mes chers enfants, qu'il y avait autrefois en Ecosse un vieillard aveugle, à barbe blanche, nommé Issian, qui jouait très bien de la harpe et qui courait les rues en chantant des poèmes de son invention. Son père, Fingal, avait été un grand guerrier : c'est pourquoi Ossian chantait, de préférence à autre chose, les exploits du grand Fingal, son père. Après la mort d'Ossian, des bardes continuèrent à chanter ses poèmes, et c'est ainsi que ses vers sont parvenus jusqu'à nous. Mais les bardes ajoutèrent aussi des vers de leur composition. Les uns chantaient l'histoire de Fingal d'une façon, les autres d'une autre façon, et il était impossible de reconnaître dans tout cela la véritable histoire du grand Fingal. Un Anglais, nommé Macpherson, voulut démêler la vérité. Il partit pour l'Ecosse et rassembla les divers chants des bardes. Il les arrangea, les accorda entre eux et en composa des poèmes que l'empereur Napoléon aimait beaucoup et lisait sans cesse. On a soupçonné Macpherson d'avoir imaginé une grande partie de ces poésies et de les avoir mises sur le compte d'Ossian ; mais c'est une chose qui n'est point prouvée. Qu'importe d'ailleurs de qui sont ces poésies, pourvu qu'elles soient belles et intéressantes ! Il en est de M. le Vent et de Mme la Pluie comme du grand Fingal. Ma grand-mère racontait l'histoire de Mme la Pluie, sans parler de M. le Vent. Mon oncle savait l'histoire de M. le Vent, et ne disait rien de Mme la Pluie. Ma nourrice, qui était de Bretagne, mêlait ensemble les deux histoires et n'en faisait qu'une seule plus complète et plus merveilleuse. Il y a bien longtemps, je suis allé en Bretagne, et, pour suivre l'exemple de Macpherson, j'ai rassemblé tout ce qu'on y racontait de M. le Vent et de Mme la Pluie, qui fréquentent beaucoup ce pays-là. Comme vos mamans vous apprennent sans doute à détester le mensonge, je ne vous dirai pas que je n'ai rien ajouté aux récits décousus des paysans bretons, parce que ce serait mentir ; mais j'ai ajouté seulement ce qui était nécessaire pour lier les événements entre eux et remplir les passages qui manquaient absolument. Puisse ce conte de nourrice, mes chers enfants, vous amuser encore plus que l'histoire du grand Fingal ne divertissait l'empereur Napoléon ! A peu près dans le temps que le bon roi Robert chantait au lutrin, vivait en Bretagne un pauvre meunier appelé Jean-Pierre, qui ne possédait pour tout bien que son moulin, une méchante cabane et un jardin potager où il plantait des choux et des carottes. Jean-Pierre avait du malheur. Souvent il voyait d'autres moulins qui tournaient sur les collines du voisinage, tandis que le vent ne soufflait pas de son côté ; la pluie tombait dans le fond de la vallée, tandis que les légumes de son jardin dépérissaient par la sècheresse, malgré la peine qu'il prenait de les arroser. (A suivre...)