Emotion ■ Des centaines de personnes, pour la plupart issues du monde de l'art, ont rendu, hier, à Paris, un dernier hommage à la chanteuse populaire algérienne Noura, décédée dimanche dernier des suites d'une longue maladie. Qui en pleurs, qui la grise mine, des proches, des artistes, des comédiens, des chanteurs, des producteurs audiovisuels et autres anonymes ont défilé devant le cercueil de la défunte, drapé de l'emblème national et exposé pour la circonstance à la chambre mortuaire de l'hôpital Lariboisière, jouxtant le quartier mythique et populaire de Barbès. Plus d'une heure durant, une foule se bousculait, mais sans débordement, pour jeter un dernier regard sur le visage angélique de celle qui, de sa voix mélodieuse, a bercé la jeunesse de millions d'Algériens et dont la prestance crevait l'écran. Outre l'ambassadeur d'Algérie en France, Amar Bendjama, et d'autres personnalités diplomatiques et consulaires, des artistes de la génération de Nora ont tenu, par leur présence, à lui rendre un vibrant hommage et à assister à la levée du corps. Tout de sombre vêtu, le chanteur Idir avait du mal à cacher son émotion. «C'était une femme de caractère. Elle est partie dans cette galère avec un handicap très lourd : comme elle était arabophone, il a fallu qu'elle fasse des efforts, qu'elle tende la main vers l'autre, ce qui n'est pas forcément évident», a-t-il témoigné. Pour l'interprète de Vava Inouva, la défunte a eu la «chance» d'avoir un mari (Kamel Hamadi Ndlr), qui l'a «bien encadrée» car lui-même rompu à la musique. «C'est lui qui a fait d'elle la madone de la chanson algérienne», a-t-il soutenu, affirmant garder un «excellent» souvenir d'elle. «A chaque fois qu'elle m'invitait, c'étaient toujours cette élégance raffinée, cette intelligence et gentillesse. Et ça je ne l'oublierai jamais», a ajouté l'auteur d'Amemi. Pour l'artiste, écrivain et parolier Ben Mohamed, l'Algérie perd en Nora un «modèle d'artiste». «C'était quelqu'un qui venait, animait son spectacle et rentrait, tout de suite, chez elle. Au niveau du travail, c'était quelqu'un de très pointilleux sur la façon d'exercer son métier dont elle avait une haute idée», a-t-il dit. Pour l'auteur des paroles de la chanson Vava Inouva, Nora a quitté précipitamment, mais malgré elle, le milieu artistique pour des raisons de santé. «Elle avait encore des choses à apporter. D'ailleurs j'avais demandé à son époux de lui faire quelque chose d'artistique à léguer pour la postérité, en même temps de l'aider à supporter sa maladie. En vain», a-t-il regretté, signalant que la défunte avait gardé, jusqu'à son dernier souffle, la pureté de sa voix. Tout de noir vêtu, l'artiste et chorégraphe Safy Boutella s'est dit, de son côté, «très touché» par cette tragique disparition. «Kamel Hamadi est un ami. J'ai eu l'occasion de rencontrer, une ou deux fois, Nora, une chanteuse emblématique», a-t-il confié. L'artiste, reconnaît que Nora avait «bercé» son enfance. «Quand j'avais 12-14 ans, elle passait à la télévision et c'était une fierté de la voir, d'admirer son talent et son incroyable élégance.» Le grand maître du mandole et du châabi kabyle, Rachid Mesbahi, se souvient, lui, de ses premières rencontres avec la défunte artiste, à la fin des années 1960. «C'était une grande femme que j'ai connue dans les années 1967-1968. C'était sur sollicitation de Kamel Hamadi que j'ai connu la vedette de l'époque et d'aujourd'hui même. C'était Madame Nora», se rappelle le guitariste notamment de Dahmane El-Harrachi, Lounès Matoub et Slimane Azem. Se remémorant les innombrables tournées artistiques effectuées avec la défunte, il estime que la disparition de Nora est une «perte pour la chanson algérienne» et un «départ impromptu d'une artiste trilingue (kabyle, arabe dialectal et français)». Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a adressé un message de condoléances à la famille de Fatima Badji, plus connue sous le nom de «Nora» dans lequel il a rendu hommage à «l'icône de la chanson algérienne tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays». «L'Algérie et le milieu artistique viennent de perdre une étoile parmi les pionniers du chant authentique, l'artiste Fatima Badji, plus connue sous le nom de Nora, qui a honoré durant plus d'un demi-siècle la chanson algérienne», lit-on dans le message de condoléances. La carrière de la défunte «lui a valu respect et estime eu égard à son engagement pour la chanson authentique qu'elle a magistralement interprétée avec la voix suave et mélodieuse qui était la sienne», a souligné le chef de l'Etat dans son message. «Les œuvres perpétuant la mémoire des hommes, la défunte demeurera certainement l'icône de la chanson algérienne tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays et son souvenir restera vivace avec celui de ces hommes et ces femmes qui ont voué leur vie à la préservation du patrimoine par l'innovation et la créativité», a ajouté le Président Bouteflika. Pour le Président Bouteflika, «la disparition de cette icône est une perte immense pour la scène artistique nationale». «En cette douloureuse épreuve, nous ne pouvons qu'exprimer nos condoléances les plus attristées à sa famille et à toute la famille artistique et prier Dieu Tout-Puissant de les assister et d'accueillir la défunte en Son Vaste Paradis», a ajouté le chef de l'Etat. La chanteuse populaire Nora est décédée dimanche dans un hôpital parisien suite à une longue maladie. Son corps sera rapatrié ce mercredi en Algérie. L'enterrement est prévu pour demain, jeudi, après la prière du d'hor au cimetière de Sidi Yahia, sur les hauteurs d'Alger.