Récit ■ Cette fiction signée Merzak Allouache, a été projetée, hier, à la salle El-Mougar, dans le cadre de la 2e édition du Festival du cinéma maghrébin. Ce long métrage en lice pour l'Ameyas donne une vision détaillée, presque intime, voire cachée de la société algéroise dans son quotidien, parfois insoupçonné. L'originalité du film réside dans le choix personnel du cinéaste, à savoir raconter non pas une seule histoire, mais plusieurs – cinq histoires indépendantes les unes des autres, qui s'enchevêtrent et se bousculent le temps d'une journée. Ainsi, le film est une tresse de petites histoires, n'ayant pour point commun que le décor dans lequel sont campés les protagonistes : Alger et ses terrasses. Car l'on passe d'une terrasse à l'autre, et sur chacune il y a une histoire à raconter. Au rythme des cinq appels à la prière provenant des nombreuses mosquées de la ville, le film relate une journée des plus ordinaires, voire des plus banales et chacune se déroule, et est racontée sur une terrasse dans différents quartiers populaires d'Alger : Notre-Dame-d'Afrique, la Casbah, Bab El-Oued, Alger-Centre, Belcourt. Cinq quartiers historiques de la ville d'Alger, cinq terrasses superbement ouvertes sur la ville, la baie, la mer, l'horizon lointain. Les situations sont filmées comme des huis clos à ciel ouvert. Le réalisateur, avec un point de vue mêlant dérision et critique, montre une terrasse servant de logement à une famille au passé trouble, une autre transformée en studio de répétition pour de jeunes musiciens, ou encore de cabinet de consultation pour un charlatan, une autre où l'on voit un individu retenant son frère en otage et le torture pour une vague histoire d'héritage, ou une jeune femme se suicidant après avoir été battue par son frère, ou un vieil homme un peu perturbé est retenu enchaîné dans une niche par sa famille, ou encore des extrémistes religieux se réunissant pour prêcher et organiser leur trafic de drogue. Si, d'un côté, le film montre à partir des terrasses de magnifiques plans de la baie d'Alger, il révèle, de l'autre, une ville qui étouffe et des quartiers qui tombent en ruine. C'est dire que le cinéaste donne sa vision impressionniste d'une ville chaotique, mais aussi d'une société algérienne malade d'elle-même, de ses complexes et ses contradictions, de ses espérances, de ses rêves et de ses frustrations. Dans ce film, Merzak Allouache poursuit son exploration de la société algérienne à travers une galerie de portraits. S'exprimant sur sa démarche artistique, c'est-à-dire la raison pour laquelle il a choisi de filmer sur des terrasses, Merzak Allouache dit : «Alger est construite sur des collines. On voit facilement les terrasses qui ont toujours joué un rôle dans cette ville. J'avais envie de travailler sur cette perspective de hauteur pour parler des problèmes de la société algérienne», et de renchérir : «Cela fait longtemps que je travaille sur cette société, très malade des années de terrorisme et de violence absolue.» Merzak Allouache regrette que, depuis 1999, «une espèce d'amnésie s'est installée». «On ne parle plus de ce qui est arrivé, on le refoule», soupire-t-il. Et ce refoulement se traduit par la violence. En effet, dans ce film qui parle de mal vie, la société algérienne est représentée par ce microcosme qui évolue sur les terrasses et subit – et fait subir – une violence malsaine, puisqu'il y a six morts.