Récit Au cours d'une fouille, Omar tire sur un soldat français qui lui demande de s'arrêter. Alger,1959. L'armée française, décidée à en finir avec la résistance algérienne, quadrille la ville. Il y a pratiquement un soldat à chaque coin de rue. Pas moyen, si on est armé, d'échapper aux regards inquisiteurs des paras. Les couffins des femmes en haïk blanc, tout comme les sacs de celles qui ne portent pas le voile, sont systématiquement fouillés. Quant aux hommes, ils sont plaqués aux murs et fouillés sans ménagement. ? Halte ! Il faut s'arrêter à l'injonction et lever les mains. Gare à celui qui ne s'exécute pas : le doigt sur la gâchette, on n'hésitera pas à tirer. Omar avance avec imprudence. On lui a bien dit que la ville est quadrillée par les paras mais il a quand même tenu à sortir pour transmettre à des résistants des documents importants. Sa mission accomplie, il s'apprêtait à rentrer quand il a été surpris par une patrouille. Il n'est pas encore sorti de la ville «européenne» (on appelait ainsi les quartiers habités principalement par les Français) quand les militaires ont surgi au coin d?une rue. ? Halte ! Il serre son pistolet dans sa poche. Si on le fouille, on ne manquera pas de découvrir l'arme et il est bon pour l'arrestation, certainement la torture pour lui faire dénoncer ses amis. Il fait semblant de ne pas avoir entendu l'ordre et continue à marcher. ? Hé toi, là-bas, arrête-toi ! Un Européen de passage le bouscule : ? On te demande de t'arrêter ! Il le repousse sans ménagement. L'homme manque de tomber et se met aussitôt à crier : ? C'est un fellagha, c'est un fellagha ! Il se retourne : le soldat qui lui a ordonné de s'arrêter pointe son arme vers lui. Il sort aussitôt son revolver et tire dans sa direction. ? Un fellagha ! Un fellagha ! Les autres militaires s'affolent, les passants courent dans tous les sens. Omar comprend alors qu'il doit profiter de ces instants de panique pour s'enfuir. Il court droit devant lui. Déjà les soldats ont repris leurs esprits et le poursuivent. Il entend leurs cris et bientôt le bruit de leurs pas se rapprochent. C'est à son tour de s'affoler. Sans réfléchir, il s'engouffre dans un immeuble. Il trouvera toujours quelqu'un qui le cachera ! Avant de frapper, il lit les noms inscrits sur les portes : tous des Européens ! S'ils le croisent, ils ne manqueront pas de donner l'alerte ! Il s'est jeté dans la gueule du loup ! Il est perdu ! Dans la rue, les soldats crient. Des passants leur indiquent la direction qu'il a prise. ? Il est passé par là ! il est armé. Horreur : une porte s'ouvre. Une main le saisit et lui chuchote en arabe : ? Viens ! Il entre dans l'appartement. C'est une jeune femme et elle le conduit dans une sorte de débarras où il se cache. ? Ne fais pas de bruit. Ma patronne est paralysée mais elle pourrait t'entendre ! (à suivre...)