Après " Hôtel Saint Georges " édité en 2007 chez Dar El-Gharb, Rachid Boudjedra opère un come back littéraire avec son tout neuf " Les figuiers de barbarie " édité chez Grasset. "L'Hôtel Saint- Georges " est une histoire douloureuse qui se déroule durant la guerre de Libération nationale.L'histoire met aux prises deux personnages, Jean, ébéniste émérite français envoyé comme soldat en Algérie, et Nabila, une jeune étudiante algérienne serveuse le soir dans un bar. La jeune serveuse active pour le compte de la Révolution algérienne. Jean est appelé sous les drapeaux en Algérie pendant la guerre de Libération pour fabriquer des cercueils destinés au rapatriement des dépouilles des soldats français "morts pour la France". Horrifié, il assiste à la décomposition de la soldatesque française en même temps qu'à sa propre déchéance. Et c'est là que l'ébéniste découvre la torture et toutes les exactions pratiquées par l'armée coloniale. Son lieu de refuge est cet hôtel Saint-Georges situé dans la capitale avec son bar où viennent s'échouer des âmes en peine pour échanger des confidences. Jean fait partie de ces âmes blessées et perdues qui écument leur désespoir au bar de l'hôtel. Et où il fera la connaissance de Nabila. Des années plus tard, reparti en France, Jean ne pourra oublier son passage et sa vie dans cet hôtel. Agonisant, sur son lit de mort, le soldat français dicte à sa fille Jeanne ses dernières volontés, particulièrement celle de visiter l'Algérie. Le roman exhibe cette guerre horrible en mettant en relief les moments douloureux vécus par l'ébéniste. Avec " Les figuiers de Barbarie " Rachid Boudjera ne rompt pas avec le thème de la guerre qui lui est si cher, lui qui a paraphé le scénario de "Chronique des années de Braises", le film de Lakhdar Hamina, palme d'or à Cannes en 1975. Selon le résumé de ce livre, il s'agit de deux hommes qui se retrouvent côte à côte dans le vol Alger-Constantine. A dix mille mètres d'altitude, en un peu moins d'une heure, c'est leur destin - et celui de tout un pays à travers le leur -, qui va se jouer au fil de la conversation et des réminiscences. Ils sont unis par les liens du sang, par l'expérience traumatisante de la guerre d'Algérie, mais aussi par le souvenir d'un été torride de leur adolescence, épisode dont jamais ils n'ont reparlé mais qui symbolise la jeunesse perdue de leur patrie. Rachid, le narrateur, a toujours voué une admiration mêlée d'envie et de ressentiment à son cousin Omar ; celui-ci, devenu un célèbre architecte, parcourt le monde pour mieux fuir ses démons. Ce sont ces fantômes que Rachid va le forcer à exorciser : son grand-père Si Mostafa, propriétaire terrien, l'homme aux 'figuiers de Barbarie', symbole d'une Algérie prospère et paisible ; son père Kamel, commissaire soupçonné d'avoir collaboré avec les autorités françaises pendant la guerre ; son frère Salim enfin, engagé dans 'l' Organisation', mort dans des circonstances mystérieuses. C'est toute l'histoire de l'Algérie déchirée, depuis la conquête française jusqu'à l'indépendance, de l'enfance dorée et sensuelle aux horreurs de la torture et du terrorisme, qui défile dans les souvenirs du narrateur. A la page 19, l'auteur écrit : "Je n'aime pas les gens heureux. Le bonheur m'a toujours ennuyé. Omar était malheureux, c'est pourquoi je l'aimais. J'avais besoin de son malheur et de cette admiration que je lui vouais secrètement. Mes rapports avec lui étaient quand même étranges. Cela ne me ressemblait pas de profiter du malheur des autres, mais le sien, ce destin dramatique et incohérent, me fascinait car il résumait à lui seul toute l'histoire tragique de mon pays. Il émanait d'Omar, de son histoire familiale, de son refus d'être honnête et lucide face à l'enchevêtrement des événements, une sorte de radiographie sur laquelle on pouvait lire- certes difficilement cette histoire collective, effroyable et douloureuse de l'Algérie" C'est ainsi que l'on apprend à travers l'histoire d'Omar, toutes ces péripéties dramatiques symbolisant celles de l'Algérie et son histoire chargée et déchirante. Blessé au maquis et transféré vers un hôpital de Moscou, Omar s'éveille à lui et reçoit même la visite de sa mère Nadya, via la France, grâce aux services de la DST rendus aux services de renseignements de la Résistance. A la page 20 l'autreur écrit : " "Chaque fois que je le rencontrais, Omar m'imprégnait de sa douleur. C'étaient plutôt des impressions, des sensations, quelque chose de fugitif. Tous ces stigmates accumulés par mon cousin après cette douloureuse période, s'enrichissaient les uns les autres de rajouts, avec des sens cachés, se distinguant grâce à des nuances et des différences ténues, quelque peu délavées, gonflées sous l'effet de la mémoire devenue confuse à force de frôler la mort. D'un danger à l'autre, d'une perte de conscience à l'autre, elles avaient plus de consistance, étaient plus ramassées sur elles-mêmes." Et la souffrance intérieure qui le ronge : "Omar avait un seul but dans la vie. Il tentait d'échapper à cette confusion dont il souffrait à cause de cette réalité falsifiée, de ce père collabo et de ce frère OAS ". Rachid Boudjedra n'aura pas fini avec ce récit d'interroger l'Histoire douloureuse de l'Algérie.