Résumé de la 1re partie Un officier de police métis reçoit l?ordre d?arrêter un certain Alberto Rodriguez, un homme de bien qui l?a défendu contre les Blancs. Alberto Rodriguez s'est trompé en aidant le général qui, aujourd'hui, dirige le pays d'une main de fer, sans indulgence et sans justice, à prendre le pouvoir. Six mois plus tard, Alberto Rodriguez s'est aperçu de son erreur... Il ne lui restait qu?à démissionner pour rentrer dans l'ombre : ce qu'il a fait. Inquiet pour son avenir, il vient de décider de s'enfuir. Mais au lieu de prendre l'avion et de survoler, comme il l'a fait cent fois, l'immense forêt où les arbres sont si serrés qu'elle fait penser à un énorme chou-fleur, il a voulu voir la route. Près de lui dort son fils. Les deux hommes n'ont rien de commun, sinon les yeux bleus, le nom et le prénom. Ils s'appellent tous deux Alberto Rodriguez. Sa femme a voulu que l'enfant s'appelle Alberto parce que c'est une tradition dans la famille que le fils aîné s'appelle Alberto. Malheureusement, l'existence est semée d'ironie. Le fils, en hauteur comme en largeur, ne fait pas la moitié du père. Les énormes mains du père ont su tenir une plume révolutionnaire lorsqu'il le fallait, les mains fines du fils ne lui permettraient qu'un travail de fonctionnaire scribouillard. La voix du père a su rassembler des foules. Celle du fils restera toute sa vie la voix d'un adolescent attardé. Le père est un géant calme, le fils un avorton fébrile. Même ses pires ennemis respectent Alberto Rodriguez. Mais ils méprisent son fils. Les gens les mieux intentionnés du monde, ses amis, sa famille, font un distinguo atroce entre le père et le fils... C'est tout juste si l?on ne regrette pas ouvertement qu'il soit né. Il est tellement gênant dans l'image que l'on se fait du père une telle tache dans son «aura», un tel chapitre incongru dans sa légende, que les gens qui voudraient l'oublier font comme s'il n'existait pas. Les deux hommes sont rarement ensemble. Mais lorsqu'on les rencontre, on salue le père et on oublie le fils. Ou bien on lui serre la main distraitement sans même le regarder. Pour aggraver son cas, ce jeune homme de vingt-deux ans a les mains moites et le visage semé des cicatrices d'une acné tenace. C'est tout juste si les gens ne font pas la grimace et n?essuient pas leur main sur leur veston. Et le père ? Quels sont ses sentiments ? Eh bien, il n'a jamais eu le temps d'en éprouver. Ce fils si peu passionnant n'a jamais provoqué en lui le moindre élan. Il ne ressent qu?une profonde indifférence, quand ce n'est pas de la consternation, sinon de l'énervement à le voir aussi gauche, aussi petit, aussi laid, aussi nul. Pourtant, ce soir-là, quand le Pullman s'arrête dans un nuage de poussière, devant une immense case, sorte d'auberge en rondins coiffée de palmes, où les voyageurs vont prendre leur repas, tout va changer. Car il va falloir se décider : lequel des deux doit mourir ! Alberto Rodriguez, le père, descend lentement les trois marches du PuIlman et s'étire. Son fils, derrière, en fait autant, comme s'il n'était que la petite ombre de la grande carcasse qui se déploie devant lui. C'est alors que dans la nuit, le père, le fils et les autres voyageurs voient qu'une dizaine de policiers, mitraillette à la main, le doigt sur la détente, les entourent... Ce n'est pas une bien grande surprise. Depuis six mois, ils sont habitués à voir la police fourrer son nez dans toutes les affaires. Et puis, tout de suite, ils comprennent que c'est pour Alberto Rodriguez que la police est là. «Senor Alberto Rodriguez ? Senor Alberto Rodriguez ?» C'est un officier de police en uniforme qui s'approche. (à suivre...)