Résumé de la 4e partie Alberto Rodriguez fils est arrêté à la place de son père. Il est heureux et fier d?aider son père. Un peu plus tard, il y a dix policiers dans la nuit, autour du car Pullman. Le père et le fils sont debout côte à côte. Le vieux steward descend les valises du fils et les pose sur le sol. Il ne peut s'empêcher de murmurer au jeune homme : «C'est bien, ce que vous faites là...» Les voyageurs montent un à un. «Allons, pressons», dit le policier. Le père est resté le dernier. Son fils lui tend la main, puisque c'est ainsi, d'habitude, qu'ils se saluent. «Non, je t'embrasse», dit le père. Le jeune homme doit sentir, dans la grande carcasse qui l'étreint, une émotion inhabituelle. «T'en fais pas, papa... Ils ont raison. A moi... qu'est-ce que tu veux qu'ils me fassent ? Hein ! Qu'est-ce que tu veux qu'ils me fassent ? ? Dépêchez-vous», dit le policier. Le père monte à son tour et se faufile dans l'allée centrale pour gagner sa place. Le visage du jeune homme l'attend derrière la vitre. Il distingue à peine, dans la nuit, son regard bleu. «Bon Dieu, pense le père, mais c'est injuste ! Il ne m'a rien demandé, ce môme !...» Dehors, le vieux steward discute avec le patron de l'auberge. Sans doute n'est-il pas d'accord sur l'addition. Le fils regarde toujours le père à travers la vitre du car. Il a de petits hochements de tête, l'air de dire : «Ne t'inquiète pas... tout se passera bien?» Ses lèvres remuent. Peut-être lui souhaite-t-il «bon voyage»... A travers cette vitre, le père a le sentiment de voir son fils pour la première fois. Comme si la vie de son fils était là, tout entière... Et c'est peu de chose : une longue résignation, un long silence, quelques jouets d'enfant, quelques rires, beaucoup d'attente... Beaucoup de déceptions sans larmes. Brusquement, le père sent quelque chose qui se gonfle dans sa poitrine, qui se gonfle et qui gronde comme une énorme vague. Et des larmes jaillissent. La porte du Pullman s'est refermée, le moteur tourne. Ce n'est pas vrai qu'il ne risque pas grand-chose ! Même s'il risque peu, il y a tout de même un risque... Un risque de trop ! Alberto se savait admiré, respecté par son fils. Sa femme, plusieurs fois, comme pour se faire pardonner de lui avoir donné un enfant aussi médiocre, lui a dit : «Il se ferait tuer pour toi !» Et c'était vrai ! La vérité lui apparaît : cette bêtise, c'est aussi de la simplicité. Cette mollesse, c'est de la bonté. Cette passivité, c'est de la loyauté. Ce silence, c'est du respect. Qu'importent les mains moites et l'acné de cet avorton, en regard de... de... sa pureté ! «Ce n'est pas possible, se dit le père. Je ne peux pas, Je ne peux pas !» Au moment où le Pullman démarre, il tend la main vers le visage de son fils comme s'il voulait le caresser et se met à sangloter : «Mon fils, mon fils !» Il se lève. «Non ! Non ! Arrêtez ! Mais arrêtez, je vous dis !» Instinctivement, le chauffeur enfonce la pédale du frein. L'énorme Pullman, mollement fléchit, tandis que le père court vers la porte, manque de s'écrouler entre les fauteuils. Lorsqu'il se relève, il se tourne vers les voyageurs et leur crie : «C'est de la folie ! J'allais faire une folie et vous m'auriez laissé faire !» Sans mot dire, le chauffeur man?uvre la commande pneumatique de la porte qui s'ouvre dans un souffle. Le fils et le policier s'avancent dans la nuit, vers le père qui est descendu. «Qu'est-ce qu'il y a, papa ? ? Monte. ? Mais pourquoi, papa ? Pourquoi ? ? Je reste là... ne discute pas, monte !» Après un simulacre de procès qui a duré trois jours, Alberto Rodriguez, condamné à la prison à vie le 18 mai 1957 pour complot contre l'Etat, s'est (paraît-il) suicidé dans sa cellule trois mois plus tard. Conscient, peut-être, d'avoir ôté à Rodriguez fils, l'unique chance de sa vie, de ressembler à Rodriguez père ? (à suivre...)