Résumé de la 2e partie Le père et le fils prennent la fuite à bord d?un car. Dans la nuit, ils voient, avec d?autres voyageurs, des policiers armés qui entourent le Pullman. Les deux hommes, le père et le fils, tournent évidemment la tête. Le père d'abord et le fils ensuite, puisque ce n'est jamais lui qu'on appelle. Le policier, bien entendu, s'est avancé sans hésiter vers le père, négligeant le fils. «Voulez-vous me suivre?» Le père a pâli. Il a compris. Ce qui lui paraissait impensable il y a seulement quelques semaines et qu'il avait fini par craindre... Aussi invraisemblable que cela paraisse, c'est l'injustice ultime : Villanova, qui lui doit tant, le fait arrêter... sans doute parce qu'il lui doit trop. «Tiens, prends ça», dit le père à son fils en lui tendant la grosse serviette de cuir à soufflet qui contient ses plus précieux dossiers. Le policier les regarde faire, indécis. Doit-il aussi prendre la serviette ? «Qui est-ce ? ? C'est mon fils.» Le policier se tourne vers le jeune homme : «Pouvez-vous me montrer vos papiers ?» Le fils comme toujours silencieux et fébrile, tend ses papiers au policier. «Alberto Rodriguez ? Vous vous appelez aussi Alberto Rodriguez ?» et son regard va de l'un l'autre. «Oui», répond le père. Le policier réfléchit quelques secondes... «Suivez-moi tous les deux.» Quelques instants plus tard, voici le père et le fils seuls dans une petite pièce au mobilier dérisoire et poussiéreux. Trois ou quatre trophées de chasse mangés par les mites côtoient un vieil électrophone qui, sans doute, ne fonctionne plus depuis des années, d'éternels coussins de soie passée et des poupées fanées, symbole du luxe et du confort pour les métis de la région... Le tout, bien entendu, sous le regard vide d'une Vierge en plâtre et d'un Christ qui semble toujours prêt à se décrocher du mur. «Qu'est-ce qu'ils te veulent, papa ?» Le père s'apprête à répondre avec une sorte de rage, quelque chose comme «ne sois pas idiot bon sang ! Tu t'en doutes». Mais il croise le regard angoissé de son fils et il se retient, il s'efforce même d'esquisser un vague sourire. «Calme-toi, va... Ce n'est peut-être pas si grave.» A travers les cloisons qui, dans ces cases, sont presque là pour la forme, ils entendent les voyageurs du Pullman discuter sans entrain, autour de la table commune où l'on doit leur servir le traditionnel ragoût à base de haricots rouges. Ils entendent aussi le murmure du policier. Depuis plusieurs minutes, il est suspendu au téléphone. Car, en même temps qu'on déroulait l'immense ruban de la route, on a bien entendu déroulé le fil du téléphone, dont le combiné est accroché tant bien que mal entre la cuisine et la salle commune. Et puis, soudain, un pas lourd... Le policier métis, plus rougeaud et transpirant plus que jamais dans son uniforme vert, entre dans la pièce, toujours en grattant sa tignasse noire. Il s'adresse au fils : «Vous pouvez rejoindre les autres... Mais ne sortez pas, et dépêchez-vous de dîner !» Le policier s'assoit dans un fauteuil boiteux. «Senor Rodriguez, dit-il, j'ai l'ordre d'arrêter un certain Alberto Rodriguez... Mais je n'ai pas envie de vous arrêter. La police ne vous a pas vu monter dans le Pullman. C'est sur le livre de réservation qu'elle a vu votre nom... Et l'employé s'est certainement trompé, car il n'y a qu'un Alberto Rodriguez sur le livre... Et il n?a inscrit que trente-cinq passagers, alors qu'en réalité vous êtes trente-six.» (à suivre...)