Il parle de la mer comme s?il parlait de sa bien-aimée. «Elle, elle, elle», on dirait qu?il n?a d?yeux que pour elle. Elle, c?est la Madrague. Une plage de Aïn Benian qui aura enfanté, des années durant, les enfants d?Alger et des autres régions environnantes. Mouloud faisait naguère partie de ce lot de petits poucets qui prenaient leurs premiers cours de natation dans ce petit coin perdu de paradis. «J?emmène souvent mes deux enfants là-bas, c?est un lien affectif très solide qui s?est tissé au fil des années. Vous savez, j?ai passé une bonne partie de ma vie à la Madrague. Je l?aime mais aujourd?hui je la pleure ; je la pleure, car en regardant les détritus qui jonchent la plage, les pneus calcinés, je me dis que des énergumènes, qui n?ont rien à avoir avec la mer, ni avec le bon sens sont passés par là et ont décidé de laisser leurs empreintes indélébiles de destructeurs», regrette-t-il. «Ah, la Madrague?» Un soupir qui en dit long et qui, fort heureusement, ne vient jamais au bout des souvenances jalousement préservées. Mouloud retourne chaque week-end chez lui, à la Madrague, là, où il a appris à nager, juste derrière le petit port, avec une ribambelle de gamins de son âge. Aujourd?hui, il revient pour apprendre le rituel à ses enfants. La Madrague mille fois agressée lui ouvre, dans son hospitalité légendaire, ses bras vieillissants.