A Cojimar, le petit port à une quinzaine de kilomètres de La Havane où Hemingway aimait séjourner, des centaines de personnes, de jour comme de nuit, souhaitent bonne chance ou font leurs adieux aux téméraires. La police cubaine ferme les yeux. Les gardes-côtes américains ? plus de 6 000 sont bientôt déployés ? sont débordés : de quelques centaines par jour, on passe le 18 août à plus d'un millier de rescapés secourus. A Washington, c'est l'affolement. Bill Clinton tranche : il annonce la fin de l'accueil privilégié des Cubains, qui seront désormais ramenés sur la base de Guantanamo une fois récupérés en mer. De là ? ils y seront bientôt 30 000 ? ils attendront leur visa pour les Etats-Unis. L'afflux de réfugiés cubains est «une tentative de sang-froid pour maintenir la poigne de Fidel Castro sur Cuba», déclare Bill Clinton, qui ne veut pas voir «se renouveler l'opération de Mariel». Peine perdue : dans les jours qui suivent, l'exode s'accélère. Le 22 août, ce sont plus de 2 500 boat people qui sont repêchés en pleine mer. Ce n'est qu'en septembre que le flot commencera à se tarir, avec la signature d'un nouvel accord migratoire entre La Havane et Washington. Mais des centaines de radeaux vides, errant au gré des flots, témoigneront du sort tragique de leurs occupants. Le nombre de morts reste inconnu et les Cubains désignent depuis l'océan comme leur «plus grand cimetière».