Avec ses lunettes bleues et son chemisier bigarré, ses cheveux longs lâchés et ses tatouages colorés sur le bras gauche, Mohamed pourrait passer pour un Européen. «C?est le style du lofteur Romain. C?est très à la mode. J?aime sa façon de s?habiller et d?aborder les femmes surtout.» Les mains dans les poches de son jean «effacé», notre jeune interlocuteur raconte qu?il a été exclu de l?école il y a 2 ans, et qu?il «bricole» souvent pour pouvoir se payer ses «fringues» très coûteuses et plaire aux femmes. «Je fais chavirer le c?ur des nanas et je fais tourner bien des têtes, hein !» Mohamed avoue pourtant ne jamais regarder ses programmes TV préférés en famille. Des baskets de marque et un bermuda rouge foncé, les cheveux en l?air et fixés avec du gel, Salah, assis au bas d?un immeuble, «caresse» une cigarette Marlboro entre les doigts, tout en dévisageant les passantes. À 22 ans, il se prend déjà pour un homme. Avec un sourire ironique, il explique que le choix de ses vêtements lui revient. «Ma mère est vieux jeu et moi je suis très exigeant. Je veux être élégant et séduisant, un vrai Casanova, comme les jeunes de la télé.» Sa chemise entrouverte laisse voir son thorax maigrelet et bronzé. «Les pantalons colorés sont en vogue. Il faut être branché sinon tu es cuit et les filles ne te regardent même pas.» Garçons-vitrines, mannequins au pied des murs, ces jeunes ressentent un réel plaisir à s?exposer dans les rues, exhibant leur «beauté» et leur «charme» pour avoir le maximum de succès auprès de la gent féminine qui, selon eux, reste méfiante et tellement exigeante. Mais le jeu les amuse et ils s?y adonnent avec ardeur. Sihem, 23 ans, une jeune étudiante en langue française nous confie qu?elle regarde le «Loft» comme tant d?autres et qu?elle ne le rate jamais. «C?est notre monde à nous. Il faut être jeune pour comprendre ça !» Son minipull laisse apparaître légèrement son nombril alors que son jean moule sa taille élancée. Les cheveux teints en blond, bouclés et lâchés, elle avoue fièrement vouloir ressembler à son idole Loana, une lofteuse de renommée. «Je suis tellement contente lorsqu?on me dit que je lui ressemble. Je l?aime tant, elle est très belle et c?est mon exemple...» Des filles plus jeunes s?habillent en calquant leurs idoles, ignorant toutefois l?impact de leurs vêtements et de leurs attitudes sur leur vie de tous les jours. «Le plus important est d?être élégante, jolie et surtout de plaire», déclare Sarah, 15 ans à peine. Elle reconnaît regarder aussi souvent le «Loft» sans jamais rater un seul épisode. «Ce sont de belles histoires d?amour. En plus, c?est bien de voir comment les autres s?habillent. Je regarde aussi pour apprendre comment avoir une meilleure allure.»
