Si la sagesse populaire recommande d'honorer les amis, elle recommande aussi de ne pas verser dans les excès. Certes, l'amitié est une belle chose ainsi que les sacrifices qu'elle accepte de consentir mais comme dit le proverbe : elli yehbek ma yebni-lek qçar, elli yekerh-ek ma yebni-lek qbar, «celui qui t'aime ne t'élèvera pas un château, celui qui te hait ne te creusera pas un tombeau». Et si l'on peut compter sur les vrais amis, ceux-ci sont très rares, car, dit encore le proverbe : fi weqt al-mçayeb, ikun ghayeb, «au moment des difficultés (l'ami) est absent» ! Beaucoup d'amis, dit-on encore, sont des amis de circonstance : ils ne cherchent que leurs intérêts et quand ces intérêts ne sont pas là où ils croyaient les trouver, ils s'en vont. Il n'est plus question alors d'amis ni d'amitié. Qallu : man huwa khuk ya ryal ? qul : ely m'aya f ççura ! «On demanda au réal (ancienne pièce de monnaie) Qui est ton frère, ô réal ? Il répondit : «Celui avec qui je suis dans la bourse !», c'est-à-dire, celui avec qui je me trouve en ce moment, celui avec qui je partage le même sort. Une fois sorti de la bourse, je ne le connais plus ! Et il y va des amis comme des réaux : une fois ce qui les unit disparu, ils s'en vont chacun de son côté. S'il faut avoir des amis, dit encore le bon sens, il faut en avoir peu, c'est-à-dire, il faut les trier sur le volet. Tugget n lehbab tessengar, dit le proverbe kabyle, «trop d'amis mènent à la ruine». Et s'il faut honorer les vrais amis et se sacrifier pour eux, il ne faut pas hésiter à se séparer des amis de circonstance qui ne cherchent que leurs intérêts : «un ami, dit un autre proverbe kabyle, c'est comme une lourde charge que l'on traîne, dès qu'on est fatigué, il faut le déposer». Une fois encore, il faut préciser, pour sauver la morale : il s'agit des faux amis pas des vrais !