Stratégie. Chavez a mis l'armée au service de la «révolution bolivarienne». Chavez dit être «né pour se battre pour la patrie». Ses adversaires, les adversaires «du peuple», sont à ses yeux des «ennemis». Sa révolution doit être menée par les civils, mais en communion avec les militaires : ils doivent s'organiser en «cercles bolivariens», associations chavistes de quartiers censées incarner «l'âme du peuple». Mais ses références militaires sont légion. Le nom même du parti politique fondé par Chavez, le Mouvement pour la Ve République (MVR) renvoie volontairement au Mouvement bolivarien révolutionnaire (MBR), l'organisation clandestine qui mena avec lui le coup d'Etat manqué du 4 février 1992. Le Venezuela démocratique pensait en avoir terminé avec les bruits de bottes avec la fin de la dictature sanglante du colonel Marcos Perez Jimenez, en 1958, qui ouvrit la voie à la IVe République. Un pacte de «non-interventionnisme» de l'armée dans la vie publique fut alors passé entre militaires et civils. Dans les années 1960, l'armée réprima les guérillas nées dans le sillage de la prise du pouvoir de Fidel Castro à Cuba. Mais, dans les années 1970, commencèrent à germer les premiers groupes révolutionnaires parmi les jeunes officiers. En 1974, Hugo Chavez est à l'Académie militaire. C'est un fervent admirateur du dictateur péruvien, le général Juan Velasco Alvarado, persuadé lui aussi que l'armée, responsable du développement national, doit sortir du champ de la défense «pour se projeter dans les champs économique, politique et social». En février 1989, une explosion sociale est réprimée dans le sang par le gouvernement social-démocrate de Carlos Andres Perez, qui décrète la loi martiale. Bilan officiel : 300 morts. Officieusement, des milliers de victimes. Trois ans plus tard, Hugo Chavez et son MBR tentent leur coup d'Etat. Le «comandante» prévient dans son discours de reddition : «D'autres occasions se présenteront.» Il fera deux ans de prison avant d'être gracié. L'occasion suivante sera la bonne. Elle lui est offerte par les urnes, en 1998. Il est élu Président. Pourtant, aujourd'hui encore, le 4 février 1992 est fêté par Chavez et son régime comme journée nationale révolutionnaire. Aujourd'hui, Chavez a placé ses fidèles, militaires ou militaires à la retraite, au c?ur de l'appareil. Les ministères-clés sont aux mains d'officiers. Comme le reste de la société, l'armée a été profondément divisée par l'expérience chaviste. Certains militaires ont tenté en avril 2002 un coup d'Etat contre Chavez. Il a été rétabli dans ses fonctions quarante-huit heures plus tard par la faction «légitimiste», respectueuse de la Constitution. Depuis, Chavez a renforcé son contrôle sur l'armée, par le jeu des promotions internes. Pour lui, l?armée reste «la puissance de feu» qui fait le pouvoir et la «révolution».