Rituel Les femmes tentent d?exorciser le mauvais ?il en versant du lait, du henné et de l?eau de fleur d?oranger sur les traces de sang? L?entrée des hommes dans la grande cour du domicile des M. est saluée par des youyous stridents. Les plus jeunes font des efforts évidents pour traîner les moutons réticents qu?ils ont ramenés et qui sont destinés au repas du mariage. Ces bêtes, au gabarit impressionnant, ont été achetées le jour même par le père du futur époux et seront égorgées et dépecées presque sur-le-champ comme le veut la tradition. Cela se fait, en effet, dans une partie du vestibule où tout l?attirail du boucher, depuis les couteaux de différentes tailles jusqu?aux pendoirs, a été préparé en prévision du sacrifice. Le père de l'époux se fait d?ailleurs un devoir de participer à la séance, même s?il n?a jamais tenu dans sa main une lame. Il est l?homme de la circonstance et il faut bien se plier à l?usage. La famille de l?heureuse élue le lui rendra bien en lui faisant offrande, à son tour, d?une partie de la fressure, en général le foie et le c?ur de l?une des bêtes égorgées, que les cuisinières grilleront à son intention. Les hommes qui l?accompagnent ne seront pas en reste puisqu?on leur sévira, à eux aussi, des morceaux d?abats et de la galette de semoule. Ce repas improvisé sera dégusté dans une des pièces où la mère de la mariée aura disposé des matelas autour de tables basses. L?odeur des grillades à laquelle se mêlent les senteurs de l?encens brûlé et les youyous ininterrompus impriment au lieu une atmosphère de sanctuaire. Une atmosphère qui sied aux cérémonies que l?on ne vit que rarement comme la vision de ces femmes qui versent cette mixture de lait, de henné et d?eau de fleur d?oranger sur les traces de sang.