Fête Le convoi de voitures enrubannées et fleuries s?arrête net devant le portail de l?hôtel de Hammam Debagh dans une débauche de youyous stridents et de coups de klaxon. Les jeunes mariés, dans la Mercedes en tête du cortège, sont les premiers à poser pied à terre et à se diriger vers le site des thermes où se dresse la grande cascade. Bientôt tous les autres, descendant à leur tour de voiture, les rejoignent en prenant bien soin de ne pas dépasser le vieil homme qui accompagnait le couple. On devine tout de suite que c?est lui le maître de cérémonie rien qu?à voir son maintien autoritaire. Le père de l?heureux marié sans doute. Des femmes se laissent aller pourtant à manifester leur joie en entamant une de ces chansons du terroir et en tapant des mains. L?ambiance est joviale et détendue, il faut dire que même le temps s?y prête. Arrivés au pied de ce qui fut certainement une cataracte asséchée de plus de vingt mètres, les invités s?arrêtent et forment un cercle autour des tourtereaux soudain gênés d?être l?objet de tous les regards. C?est la séance de photos-souvenirs qui devrait immortaliser ce moment de bonheur. Bonheur que n?ont pas connu les anciens habitants de ce site si contrasté, presque irréel. L?environnement est, ici, si puissant qu?on aurait pensé à la transposition d?un relief lunaire sur le contrebas du massif végétal abondant du mont Debagh, le prolongement de la forêt de Mermoura. Tout dans cette région, à commencer par le nombre incalculable de geysers naturels, d?eaux chaudes ruisselant sur la roche volcanique, inspire une crainte inexplicable avant même qu?on entende parler de la légende de Hammam Meskhoutine (le bain des maudits). On dit que dans un temps très lointain, alors que toute une famille et leurs invités célébraient le mariage de deux beaux jeunes gens que Dieu n?agréa pas, les époux étant frère et s?ur, le Créateur courroucé aurait puni tous les invités à cette fête en provoquant un cataclysme faisant jaillir des eaux brûlantes des entrailles de la terre et transformant tous ceux qui l?ont offensé en statue de pierre. Les gens de la région avouent que rien n?a échappé à la colère divine, pas même les objets et les ustensiles de cuisine qui ont servi à la célébration de l?interdit. Ils vous montreront ces érections rocheuses de forme vaguement humaines figées dans des postures variées ou ces tables de silice de différentes tailles qui seraient le couscoussier, les meïdas ou encore les écuelles qui devaient servir au repas de noces. Les Beni Sekfel, les Sahri ou encore les Berrezag, qui sont les familles les plus anciennes de cette commune situées à 20 km à peine de Guelma ne veulent pas parler de légende. Ils croient au contraire que «ces événements ont bien eu lieu, mais à une période qui remonte à l?époque de la conquête romaine bien avant l?avènement de l?islam», comme l?indique ammi Rabah, un des doyens de la communauté. On dit aussi que les couples nouvellement mariés doivent y faire une sorte de pèlerinage pour y prendre enseignement et exorciser le mauvais sort.