Résumé de la 20e partie ■ Malgré l'interdiction qui lui avait été faite de venir à la prison, la popularité de Mme Claire n'avait pas diminué chez les détenues... Les héroïnes de papier, madame Bovary, Rebecca, Manon Lescaut... étaient devenues ses plus fidèles compagnes. Solange se sentait si bien dans le cocon douillet de la bibliothèque qu'elle envisageait sans la moindre angoisse les quinze années de réclusion criminelle qui lui restaient à purger, pour le meurtre de sa fille. Au tribunal, la foule avait accueilli avec une joie indécente la condamnation de cette mère infanticide. Mais madame Claire, qui connaissait le fond du dossier de Solange, se demandait souvent si la bibliothécaire ne méritait pas en réalité une extrême indulgence... En tout cas, comme détenue, Solange se révélait une femme d'exception et sous sa houlette la bibliothèque était si calme que les gardiennes ne prenaient même plus la peine d'y effectuer des rondes. Avant de quitter la pièce, la visiteuse confia à Solange: — Je vais passer par les cuisines. Il y a longtemps que les détenues qui y travaillent ne m'ont pas vue. — Si vous voulez mon avis, madame Claire, vous feriez bien aussi d'aller voir quelqu'un d'autre. Il s'agit d'une femme qui lisait beaucoup à son arrivée et qui ne vient plus ici depuis un certain temps. En fait, elle ne sort plus du tout de sa cellule. Elle a sans doute besoin d'être grandement réconfortée. Je ne voudrais pas qu'elle commette une sottise. — De qui s'agit-il ? — De la Baronne... C'est ainsi qu'avait été surnommée par les autres détenues une femme d'une quarantaine d'années extrêmement distinguée, arrivée à la Centrale six mois plus tôt. Son véritable nom était Eliane Baudry, sans titre ni particule, mais son port altier, ses manières raffinées, sa réserve naturelle lorsqu'elle travaillait à l'atelier lui avaient valu ce sobriquet malicieux. On chuchotait qu'elle avait été jadis mannequin chez un grand couturier et qu'elle avait échoué en prison pour avoir assassiné son amant. — Je vais suivre votre conseil, ma petite Solange, dit madame Claire. Après un petit tour aux cuisines j'essaierai d'aller réconforter la Baronne. — A bientôt. Le chemin pour rejoindre les cuisines, aménagées dans les sous-sols d'un autre bâtiment, était interminable. Tout en marchant, madame Claire, absorbée dans ses pensées, se remémorait l'horrible enchaînement des événements qui avaient poussé la bibliothécaire à commettre son crime. Tout comme Maureen, Solange avait perdu sa mère à sa naissance. Elevée d'abord par une tante, elle avait ensuite été recueillie par son père. Malheureusement, celui-ci était un personnage beaucoup moins recommandable que le clown TimTom. En grandissant, Solange était devenue très belle et son père, tombé amoureux d'elle, l'avait violentée alors qu'elle venait d'atteindre sa quinzième année. A suivre