Résumé de la 22e partie ■ Le jour où Thérèse lui avait appris qu'elle était enceinte, Solange avait décidé de se débarrasser d'elle... Un matin, au réveil, après une nuit tourmentée pendant laquelle les pensées les plus contradictoires l'avaient empêchée de trouver le sommeil (son désir de vengeance butait sur l'angoisse de commettre un acte odieux), et alors que Thérèse dormait encore dans sa chambre, Solange s'était levée en silence et avait braqué l'arme destinée à tuer le mari sur sa propre fille. Ensuite, très calme, elle avait appelé la police pour annoncer son geste. Depuis ce jour, Solange s'était résolument enfermée dans un mutisme impénétrable. Dix fois, vingt fois déjà, au cours de ses visites, madame Claire avait essayé de la faire parler en pensant que cela la soulagerait. Mais malgré la confiance qu'elle inspirait à toutes les détenues, elle n'avait jamais rien obtenu de Solange. Désormais plus rien ne semblait intéresser cette femme meurtrie par le destin sinon l'entretien de «sa» bibliothèque et la lecture de romans qui incitaient au rêve... Aux cuisines, madame Claire retrouva une tout autre ambiance, nettement plus bruyante. Là, en effet, se préparaient deux fois par jour les quelque cinq cents repas nécessaires pour nourrir les détenues et le personnel de la prison. La visiteuse fut accueillie par «madame Catherine», la détenue responsable des lieux. Grande, plutôt affable, portant la toque blanche, insigne de sa qualification, avec une certaine crânerie, madame Catherine s'était toujours bien entendue avec la visiteuse. Elle l'accueillit de bon cœur. — Vous voilà de retour parmi nous! Savez-vous que vous nous manquiez beaucoup, ici? A part madame Lecocq et madame Bouvier, personne ne vient jamais nous voir dans nos sous-sols. — Même pas monsieur l'aumônier ? — Non. Il faut croire qu'il n'est pas gourmand... Et comme il ne prend aucun repas à la prison, il ne doit même pas penser à notre existence ! — Il perd sans doute quelque chose. Depuis que vous dirigez les cuisines, toutes les détenues me disent que l'ordinaire s'est nettement amélioré. On voit que vous avez possédé un restaurant dans le passé... — Ça n'a pas été difficile. Avant, c'était la pagaille, ici! Il y avait un de ces coulages! Le plus étonnant, c'est qu'on n'a jamais su où partait la nourriture volée. Certainement pas dans les cellules, puisqu'elles sont toutes fouillées chaque jour. J'en déduis que les surveillantes ne devaient pas rentrer chez elles les poches vides... — Vous croyez ? — J'en suis à peu près sûre. Comme quoi l'honnêteté ne se rencontre pas toujours du côté où on devrait la trouver. — Vos nouvelles apprenties, elles progressent ? — Les Américaines ? Regardez-les là-bas, en train de faire la corvée des patates ! A suivre