Nouvelle Les lecteurs berbérophones peuvent désormais lire les fameuses fables de La Fontaine dans leur langue maternelle. Un privilège rendu possible grâce à dix-huit fables de La Fontaine traduites de la langue de Molière vers la langue de Mammeri par le poète Messouci. En effet, un recueil de fables en kabyle, Tineqqisin, vient d?enrichir la bibliothèque d?expression amazighe. La traduction est d?ailleurs d?une grande qualité, car elle est faite dans une langue poétique remarquable où les exigences techniques du récit et de sa structure en trois phases ont été respectées. Les valeurs artistiques de la versification et du style appropriés au genre sont soigneusement travaillées. Des éléments suffisants pour attribuer à ce nouveau livre une grande valeur littéraire. Dans ces contes animaliers choisis, l?auteur, qui est aussi parolier musical, oscille entre le traducteur fidèle et le conteur emporté par son imagination fertile. Dans cette exercice difficile, le traducteur ou plutôt le créateur a excellemment su garder l?essence et les caractéristiques du genre écrit tout en lui donnant le cachet de l?oralité. Une finalité d?adaptation voulue, avec cette particularité de la culture et de la narration kabyles. Dans ce registre, le traducteur devait être partagé par le dilemme de la traduction littérale des textes existants et la création inspirée par les versions locales des contes kabyles et algériens. Des versions semblables ont d?ailleurs alimenté et soutenu les hypothèses qui affirment que Jean de La Fontaine devait sans doute puiser dans le patrimoine oral de toute la Méditerranée, notamment sa rive Sud. Dans son recueil, joliment illustré par le peintre Sellam, le poète a soigneusement travaillé le style en insistant sur les aspects poétiques et expressifs des fables. Ce qui a, malgré les contraintes de traduction, fourni un mode de transmission narrative imagée et métaphorique. Outre ses qualités littéraires, le mérite de Tineqqisin de Messouci réside certainement dans sa nature de texte didactique recouvrant tous les éléments artistiques du genre : dialogue court, gai et surtout innocent. Par sa traduction et vu le manque flagrant de supports didactiques, l?auteur propose aux enseignants et aux apprenants de tamazight un manuel de qualité, car il répond à un pressant besoin exprimé : des textes littéraires en berbère sans connotation idéologique, le dénominateur commun de la majorité des textes produits en cette langue où littérature rime avec politique et engagement.