Portrait ■ «Abdelkader Alloula, 20 ans déjà ! » est l'intitulé d'un ouvrage collectif coordonné par Nourredine Saâdi et paru aux éditions APIC. Sept noms (Abdelmadjid Kaouah, Jawida Khadda, Benamar Médiene, Arezki Metref, Habib Tengour, Malek Alloula et Denis Martinez) se sont rassemblés autour d'un homme, Abdelkader Alloula, lâchement assas-siné le 10 mars 1994, et ont contribué à lui rendre hommage, sous des formes diverses. L'objectif, tel que l'exprime Nourredine Saâdi dans sa présentation, n'est pas de commémo-rer mais de restituer la pensée du dramaturge. C'est raconter, sous un autre angle, la démarche créative et les profondeurs artistiques du dramaturge. Si les six premiers ont contribué avec des mots, Denis Martinez l'a fait avec de la peinture, puisqu'il est plasticien. «Lorsque l'idée m'a été proposée et que Noureddine Saâdi (le coordinateur de l'ouvrage) et Karim Cheikh (l'éditeur) m'ont demandé de m'associer au projet, chose qui m'a ravi et à laquelle j'ai tout de suite adhéré, j'ai aussitôt entamé les dessins du défunt», raconte Denis Martinez à propos de sa contribution à la réalisation du collectif. Outre les textes qui font ressortir différents souvenirs d'Abdelkader Alloula et qui, du coup, font restituer sa parole, l'ouvrage comprend un travail graphique et visuel de haut niveau, des peintures en noir et blanc. Ainsi, le collectif est admirablement porté par le geste unique de Denis Martinez : Abdelkader Alloula surgit de l'imaginaire du plasticien avec un geste vibrant, naturel, pointilleux... Denis Martinez a connu autrefois Abdelkader Alloula. A ce sujet, le plasticien dit : «C'était un grand artiste aux valeurs artistiques et humaines hors pair. C'était une personne exceptionnelle. Nous avons fait ensemble plusieurs actions culturelles en Algérie, et c'était un plaisir de travailler à ses côtés. Comme je suis plus jeune que lui, il fait partie des gens qui m'ont formé, par leur façon d'être. Il y a en moi un peu d'Abdelkader Alloula.» Denis Martinez, qui s'est inspiré pour les besoins de son travail de paroles d'Alloula, paroles qui, selon lui, «il retient de mémoire», et aussi de ses pièces de théâtre, estime qu'Abdelkader Alloula était «un grand concepteur», «un créateur dynamique». «Il construisait, bâtissait», soutient-il, et de renchérir : «Il a puisé son inspiration et a profondément exploré différentes sources populaires de la vie quotidienne de la société algérienne. Il était à son écoute, attentif à elle. Ce qui l'avait amené d'ailleurs à faire un travail de recherche linguistique de la langue populaire pour le théâtre.» L'ouvrage, qui est un hommage poignant, rappelle «le verbe puissant du dramaturge, sa polyvalence et ses influences revendiquées». Une analyse en profondeur de tout ce qui constitue le théâtre algérien, selon Abdelkader Alloula. Il illustre la réflexion critique qui a conduit Abdelkader Alloula, cet homme imprégné du poids de la vie sociale, à renouveler le champ théâtral algérien. Celui qui a su tâter le pouls, capter les pulsations, enregistrer les battements de cœur de sa société réinvente d'une manière créative le langage théâtral, ses modes d'expression et lui confère un modèle d'esthétique nouveau.