Palm Springs, Californie, 18 heures Le timbre strident de la sonnerie du téléphone tira brutalement Charlotte du sommeil. Un rapide coup d'œil au réveil lui apprit qu'il était presque dix-huit heures. Après toutes ces nuits d'insomnie, en rentrant du labo, elle avait voulu s'accorder un petit répit, mais à sa grande stupeur elle réalisa qu'elle avait dormi tout l'après-midi. Elle décrocha. C'était Desmond. Ses paroles explosaient comme des bombes dans le combiné. — Charlotte, je te conseille de rappliquer dare-dare. Il y a eu une nouvelle victime. Elle se réveilla d'un seul coup, comme sous l'effet d'une décharge électrique. — Une troisième victime ? La chambre était plongée dans l'obscurité. Elle alluma la lampe de chevet. — Que lui est-il arrivé ? — La même chose qu'aux autres. Elle est morte. Elle ferma les yeux. Mon Dieu. — J'arrive. — Charlie. Autre chose. Il y a des manifestants devant la porte. Elle regarda par la fenêtre dehors il pleuvait des cordes. — Par ce temps ? — Certains d'entre eux brandissent des pancartes avec la photo de Chalk Hill. — Oh, non ! murmura-t-elle, l'estomac soudain noué. — J'ai préféré te prévenir pour ne pas que tu aies un choc en arrivant. Elle raccrocha et se précipita dans la salle de bains comme si elle avait voulu fuir la nouvelle terrifiante que venait de lui annoncer Desmond. Ainsi donc, ils s'étaient procuré la photo.Celle de l'incident du labo de Chalk Hill. Le cauchemar qui la hantait. Tout en se glissant sous le jet glacé de la douche, Charlotte repoussa les visions horribles de Chalk Hill qui l'assaillaient et s'efforça d'interpréter le rêve étrange qu'elle avait faitpendant son sommeil : sa grand-mère lui disant «Nous descendons d'une longue lignée de femmes qui n 'ont pas connu leurs mères. Toujours, à un moment ou à un autre de notre vie, nos mères se manifestent depuis l'au-delà pour nous montrer la voie. Un jour, Charlotte-ah, tu entendras la voix de ta mère, comme j'ai entendu la mienne me parler. — Mais comment ferai-je pour la reconnaître ? lui avait demandé Charlotte en songe. Ma mère est morte quand j'étais tout bébé. Je n'ai jamais entendu le son de sa voix. — C'est avec ton cœur que tu l'entendras, pas avec tes oreilles. — Et quand cela arrivera-t-il ? — Quand le moment sera venu.» Mais ce n'était pas qu'un rêve, c'était aussi un souvenir. Ces paroles prophétiques, la grand-mère de Charlotte les avait prononcées plus de dix ans auparavant. Et depuis lors, Charlotte attendait toujours que sa mère se manifeste. Après avoir choisi un ensemble de lainage crème, un chemisier de soie blanc et une paire de mocassins, elle commença à s'habiller avec des gestes rapides mais minutieux. Tout en attachant ses longs cheveux noirs avec une barrette en or, elle jeta un coup d'œil au dehors. A suivre