Combat Jafar Panahi est déterminé à ne pas couper une seule de ses prises et il est prêt à se battre pour ne pas laisser la censure y toucher. Jafar Panahi, l?un des réalisateurs de cinéma iranien les plus estimés à l?étranger, se trouve contraint de renoncer à son métier si la censure, pratique courante en Iran, continue de sévir sur ses ?uvres. En effet, la censure en Iran tue la motivation, stérilise la création et inhibe la sensibilité du cinéaste. La censure, qui se pratique d?une manière drastique, traque, avant d?autoriser la diffusion d?une ?uvre, la moindre image ou le moindre mot qui lui semble transgresser les valeurs islamiques ou révolutionnaires. De nombreux films iraniens ne sont d?ailleurs jamais projetés. Mais s'ils n'ont pas passé l'écueil de la censure, ces films sont disponibles sur le marché noir. La censure en Iran réduit donc à néant tout énoncé inassimilable au discours officiel. Et les censeurs se considèrent investis d'une sorte de «sagesse divine» justifiant ainsi leur acte. Ils ont, par ailleurs, sur leurs listes noires, le nom des «réalisateurs rebelles». «Ils rendent les choses si compliquées pour les réalisateurs que ceux-ci n'ont pas d'autre choix que de faire leurs films hors d'Iran», déclare Panahi. Mais pas question pour lui de filmer ailleurs que chez lui. Agé de 44 ans, Jafar Panahi a connu la consécration à l'étranger : il a obtenu la Caméra d'or à Cannes en 1995 pour Le Ballon blanc, le Prix du jury, encore sur la Croisette en 2003 pour Sang et or, et le Lion d'or à Venise en 2000 pour Le Cercle, qui touche de nombreux tabous sociaux et a été proprement interdit en Iran. Quant à Sang et or, les ciseaux de la censure y ont entaillé une dizaine de scènes. Jafar Panahi, révolté, se montre déterminé à réagir contre la censure et empêcher ses films d?être amputés. «Je ne couperai pas une seule de mes prises, je ne les laisserai pas y toucher, ce ne seraient plus mes films», déclare l'artiste. Et d?ajouter : «Mais cela veut dire que je vais peut-être devoir dire adieu au cinéma, parce que je ne veux pas faire de film ailleurs qu'en Iran. On ne me forcera pas à partir. Mes films parlent du peuple iranien et au peuple iranien.» Jafar Panahi, qui ne touche guère d'argent sur ses films, en a commencé un cinquième l'an dernier. «Mais j'ai arrêté au bout de quelques mois. Je ne sais même pas si, un jour, on projettera en Iran mes films précédents, alors pouvoir croire qu'il y en aura un cinquième...» Malgré ses frustrations, il ne s'éloignera pas totalement du cinéma. En dernier recours, dit-il, il parcourra le pays «avec un projecteur pour montr ses ?uvres à quelques enthousiastes». Outre Jafar Panahi, Abbas Kiarostami est, lui aussi, un réalisateur iranien acclamé au-delà des frontières de son pays. Ses films n?ont plus été montrés en Iran depuis 1997.