Résumé de la 2e partie ■ Le docteur; aidé par l'infirmière, apporte un chevalet, une toile de grande dimension, une palette et des pinceaux. William Laurens pousse un cri de joie... Moi non plus, je n'aime pas perdre mon temps, monsieur Laurens. Alors, j'irai droit au but. Je ne crois pas à cette histoire de réincarnation. Mais je constate que les gens y croient et que vous avez un sacré talent pour imiter Toulouse-Lautrec. Vos toiles n'atteindront jamais les prix de l'original, mais quand même des chiffres très honorables. Confiez-moi l'exclusivité et je ferai de vous un homme riche. William Laurens a toujours l'air en proie à une invincible inspiration. II ne semble pas avoir entendu et répond brièvement: — D'accord. C'est un procès ayant attiré les foules qui s'ouvre le 16 septembre 1954 devant le tribunal correctionnel de New York. L'association des musées de la ville poursuit en effet William Laurens comme faussaire. Lorsque celui-ci fait son entrée dans la salle, il n'a assurément plus rien de commun avec le vacher terne, insignifiant, aux cheveux blonds coupés en brosse et aux allures d'adolescent qui a mal grandi. Au contraire, il a tout de l'artiste avec sa tenue négligée, sa chevelure folle et son regard fiévreux. Il s'assied aux côtés de son avocat. On remarque que son visage est secoué de tics et qu'il tremble légèrement. L'avocat de la partie civile développe sa thèse: — William Laurens signe ses toiles «Toulouse-Lautrec». Ce sont donc des faux et non de simples imitations. II doit être condamné en tant que faussaire. Mais l'avocat de la défense n'a pas moins d'arguments à faire valoir : — Le propre d'un faussaire est de faire passer ses œuvres pour celles d'un autre. Ce n'est pas le cas de William Laurens. Il peint ses toiles au grand jour. II a toujours dit que c'était lui qui les avait exécutées et non Toulouse-Lautrec. Est-ce sa faute si sa chute de cheval a changé sa personnalité ? Intervention de la partie civile : — II n'a pas le droit de signer Toulouse-Lautrec. — Si, du moment qu'il ne s'en cache pas... Les juges durent rester longtemps indécis, car après avoir mis l'affaire en délibéré, ce n'est que six mois plus tard qu'ils rendent leur verdict : William Laurens n'est pas coupable de faux. La nouvelle fait sensation... Ainsi donc, cette extraordinaire production posthume va pouvoir se poursuivre ! En toute légalité, de nouveaux Lautrec vont s'ajouter à ceux que l'on connaissait déjà, des Lautrec qui sont aussi admirables que les vrais. Que s'est-il donc passé pour qu'un garçon vacher mal dégrossi ait pu se métamorphoser à ce point ? Est-il réellement habité par l'âme du peintre disparu ? Dans tous les Etats-Unis, on se pose sérieusement la question. Des spécialistes de l'occultisme viennent sonner au pavillon de l'artiste à San Francisco. Mais William Laurens ne les reçoit pas. A part le marchand de tableaux Gregor O'Brady, qui vient chercher ses œuvres contre des liasses de plus en plus importantes de dollars, il ne reçoit plus personne... II faut dire que le caractère de William Laurens s'est rapidement dégradé. Car, comme son illustre modèle, il s'est mis à boire. 8 avril 1955. Gregor O'Brady sonne à la porte du pavillon de San Francisco. William Laurens vient lui ouvrir d'un pas traînant. Il a la voix pâteuse. — Qu'est-ce que vous voulez ? Je n'ai rien peint. Allez-vous-en ! Mais le marchand de tableaux ne s'en va pas. Au contraire, il s'assied sur une caisse au milieu du désordre invraisemblable de l'atelier. A suivre