Conséquences La prise d'otages de Beslan, coup très dur porté à la Russie, a mis en exergue l'isolement du président Vladimir Poutine au sommet d'une «verticale du pouvoir» qu'il a lui-même bâtie. Vladimir Poutine n'a annoncé ces derniers jours aucune initiative retentissante, à part quelques mesures visant à augmenter la sécurité dans le Caucase. Et le fait qu'il n'ait décrété aucun limogeage, dénoncé aucun coupable dans les structures d'Etat, le contraint à assumer en définitive la totalité des responsabilités. La personnalisation à l'extrême du pouvoir exécutif ces dernières années a abouti à l'immobilisme et au mutisme quasi absolu des responsables politiques, s'en remettant désormais tous aux ordres du président. A commencer par le numéro de l'Etat russe, le Premier ministre Mikhaïl Fradkov, un apparatchik sans relief nommé en mars. Mais les universitaires occidentaux invités à une rencontre de plusieurs heures avec M. Poutine, lors de laquelle celui-ci a justifié longuement sa politique, ne disent pas avoir trouvé en face d'eux un président en déroute. Vladimir Poutine est conscient que «la situation n'est pas autant sous contrôle que beaucoup le pensent», mais il «se sent assez bien dans l'isolement politique», déclare dans le quotidien Izvestia l'expert américain Nikolaï Zlobine, qui participait à la rencontre. «Il est clair qu'il n'a pas d'équipe au sens occidental du terme, mais cela ne le gêne pas. Il a sa propre vision et la conviction autosuffisante qu'il peut régler les problèmes. Le fait qu'il ne puisse s'appuyer sur personne ne le panique pas», ajoute cet expert. L'isolement volontaire du président, dont le «premier cercle» contient surtout des anciens membres, comme lui, des services secrets russes, vient de sa «défiance» envers la classe politique, à laquelle, passé presque directement au sommet de l'Etat, il n'a jamais appartenu, estime encore le politologue américain. «Il les considère de manière très négative, et eux-mêmes ont simplement peur de lui», a-t-il ajouté. Les analystes ont souligné que le vide politique créé sous lui par Vladimir Poutine était une arme à double tranchant. «C'est précisément l'absence de contrôle sur le pouvoir de la part de la société et de la classe politique qui a permis l'énorme hausse de la corruption dans le pays et le chaos semé par les forces fédérales en Tchétchénie», deux questions qui minent le pays et sont notamment à l'origine de la tragédie de Beslan, estime le politologue Gueorgui Satarov, ancien conseiller de l'ex-président Boris Eltsine. Et Vladimir Poutine n'a pas vraiment droit à l'erreur face à une nomenklatura politique soumise, mais loin d'être acquise. «Sinon, c'est le sort du tsar Paul Ier (victime d'un complot en 1801) ou de Nikita Khrouchtchev (évincé en 1964) qui l'attend : la machine politique russe dévore celui qui ne respecte pas ses règles», souligne Iouri Korgouniouk, de l'institut Indem.