La prise d'otages en Ossétie et son dénouement marquaient hier l'actualité, réussissant à éclipser bien des sujets pourtant majeurs. Il y a le bilan bien entendu, mais aussi toutes les marques d'attention à l'égard de la Russie, et les déclarations au sujet de l'éradication des conflits à travers le monde, et du terrorisme devenu sujet d'intérêt mondial numéro un. En ce qui concerne le premier point, il est question d'au moins 322 personnes tuées dont 155 enfants et plus de 700 blessées dans le dénouement de cette prise d'otages dans une école d'Ossétie du Nord (Caucase) qui a le triste privilège d'être la plus meurtrière de l'histoire de la Russie. Le président Vladimir Poutine, qui s'y est rendu hier pour quelques heures, a dénoncé le terrorisme protchétchène. « Toute la Russie souffre, pleure et prie avec vous », a déclaré le président russe aux blessés qu'il a rencontrés à l'hôpital de la ville de Beslan, où un commando protchétchène a retenu en otages pendant deux jours et demi plus d'un millier de personnes en exigeant notamment le retrait des troupes russes de Tchétchénie. « L'un des principaux objectifs des terroristes à Beslan était de semer la haine interethnique et d'enflammer le Caucase du Nord », a-t-il poursuivi. « Quiconque soutiendra ceci sera considéré comme un complice des terroristes. » Un verdict sans appel auquel la communauté internationale ne s'est pas montrée insensible malgré quelques grincements de dents uniquement sur le nombre de tués. On relèvera à cet égard la déclaration du haut représentant pour la politique étrangère de l'Union européenne, Javier Solana, qui a réaffirmé hier qu'il fallait s'attaquer aux causes du terrorisme et non pas seulement à ses effets, plaidant pour la recherche d'une « solution politique » en Tchétchénie. « Nous (Européens) considérons que le problème du terrorisme doit être résolu non seulement en s'attaquant à ses effets mais aussi en se concentrant sur ses causes », a affirmé M. Solana au Corriere della Sera, au lendemain de cette prise d'otages. « Aujourd'hui, l'Europe peut seulement réagir à ce terrible désastre (de Beslan) en condamnant le terrorisme, en regrettant comment la situation a malheureusement évolué et en exprimant ses condoléances aux familles et sa solidarité au gouvernement russe dans un moment aussi douloureux », a poursuivi le responsable. Dans ce cas, les mots ne sont pas suffisamment forts pour décrire cette tragédie dont le dénouement sanglant porte à plus de 350 le nombres de personnes tuées dans des actes terroristes en Russie en dix jours, après le crash de deux avions de ligne qui a fait 90 morts et l'attentat du métro de Moscou, où onze personnes ont perdu la vie. Ces attentats ont été revendiqués par un groupe islamiste affirmant soutenir l'indépendance de la Tchétchénie. Cette vague de terreur a coïncidé avec l'élection présidentielle organisée par le Kremlin en Tchétchénie, le 29 août, qui a vu la victoire d'un homme lige de Vladimir Poutine, Alou Alkhanov, dans un scrutin dont la régularité a été largement mise en cause. Ainsi, après avoir longtemps tu les objectifs politiques du commando, les responsables russes ont déclaré vendredi matin qu'il réclamait l'indépendance de la Tchétchénie. Une telle formulation à la différence des versions de témoins qui parlaient d'un retrait des troupes russes de Tchétchénie, voire simplement de la libération de certains détenus en Ingouchie (république voisine de la Tchétchénie) aurait permis au Kremlin de justifier un refus de négocier, au nom de la souveraineté de la Russie. Il faudra se pencher un jour sur cette mosaïque russe faite des peuples les plus divers, marquée aussi par l'éveil des nationalismes. Après la chute du communisme, la disparition de l'ancienne URSS et la partition des Balkans, l'ancien président russe ne cachait pas ses craintes pour la Fédération qu'il présidait. Plus clairement, Boris Eltsine laissait entendre que la prochaine cible pourrait être la Russie. L'Ossétie du Nord, voisine de la Tchétchénie et dont la population est à majorité orthodoxe contrairement aux autres républiques de la région, a toujours été le point d'appui des Russes dans le Caucase. Vladimir Poutine a souligné avoir donné l'ordre de « bloquer les entrées de la ville, de fermer les frontières d'Etat et les frontières administratives de l'Ossétie du Nord », et a prévenu que les contrôles d'identité allaient être renforcés. C'est ce qui expliquerait dans une certaine mesure cette forte résistance des autorités russes, mais pas la manière avec laquelle elles traitent les aspirations nationalistes. C'est ce qui est contesté de l'extérieur, mais la question du terrorisme fait que les puissances occidentales s'en accommodent. Selon la version des responsables russes, les forces spéciales ont été contraintes d'intervenir lorsque des explosions ont retenti depuis l'école et qu'un premier groupe d'otages s'est enfui du bâtiment au milieu de tirs nourris. Le commando a fait exploser des charges installées dans l'école, provoquant l'effondrement partiel du toit, a déclaré un responsable. C'est cet effondrement qui aurait entraîné la mort d'au moins une partie des otages du gymnase. Les combats ont duré au moins six heures, et un général russe a reconnu que des chars avaient même été utilisés. Les forces russes compteraient dans leurs rangs au moins dix morts, selon la police ossète. La plupart des preneurs d'otages ont été tués ou arrêtés, selon les autorités russes, mais quatre étaient encore recherchés vendredi tard dans la nuit. La cellule de crise a annoncé la mort de 32 membres du commando parmi lesquels dix personnes originaires de pays arabes, confirmant pour les autorités russes l'implantation du terrorisme international en Tchétchénie et l'arrestation de trois autres. Akhmed Zakaïev, le porte-parole du leader indépendantiste tchétchène, Aslan Maskhadov, a assuré que les membres du commando n'étaient « pas tchétchènes ». Mais selon le FSB (ex-KGB), l'opération a été organisée par le chef de guerre radical tchétchène, Chamil Bassaïev, et dirigée par un autre chef de guerre, Magomet Evloev. Il reste toutefois à rassembler les éléments du puzzle dont cette complicité réelle ou supposée qui aurait permis aux preneurs d'otages de disposer d'armes et de munitions au sein même de l'école. Ils avaient des complices, mais qui exactement ? Par ailleurs, s'interroge-t-on encore malheureusement, où, comment, et quand s'arrêtera cette tragédie ?