Massacres n Trois mois après la prise de la ville syrienne de Palmyre, le groupe EI poursuit son entreprise de démolition des monuments culturels. Le temple de Bêl, joyau de la cité antique de Palmyre en Syrie, a été, en effet, détruit par les jihadistes de l'EI. L'Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (Unitar) a déclaré hier lundi, pouvoir «confirmer la destruction du bâtiment principal du temple de Bêl ainsi que celle d'une rangée de colonnes qui le jouxte», après avoir comparé des images satellite avant et après l'explosion. Sur une prise de vue datant du 27 août dernier, on voit clairement le temple, avec sa structure rectangulaire entourée de colonnes, dont l'érection s'est achevée au second siècle. Sur un autre cliché pris hier lundi, seules quelques colonnes situées à l'extrémité du site sont visibles, tandis que le bâtiment central a été rayé de la carte. Le groupe Etat Islamique avait revendiqué cette destruction un peu plus tôt dans la journée. Précédemment, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) et des militants avaient affirmé que les jihadistes de l'EI avaient fait exploser une partie de ce temple considéré comme le plus important de la cité antique. Il s'agit du deuxième acte de destruction perpétré en une semaine par le groupe Etat islamique (EI) contre un temple de Palmyre. Le 23 août dernier, l'EI a totalement détruit à l'explosif le temple de Baalshamin, abattant également la cella tandis que les colonnes autour s'étaient effondrées. Le temple de Bêl était incontestablement le plus impressionnant des bâtiments. «Il allie de manière unique l'art oriental et l'art gréco-romain. Il possède encore tous les attributs du temple antique : l'autel, le bassin, les colonnes... Avec Baalbeck au Liban, c'est le plus beau temple du Moyen-Orient», selon le directeur des antiquités et des musées du pays, Maamoun Abdelkarim. Il a fallu plus d'un siècle pour le construire. Surnommée la «perle du désert», la cité antique syrienne de Palmyre, est inscrite par l'Unesco au Patrimoine mondial de l'humanité en raison de la richesse de ses monuments et colonnades romaines. Située à 210 km au nord-est de Damas, la cité est tombée fin mai dernier, sous le contrôle des jihadistes de l'EI, qui considèrent les statues humaines ou animales comme de l'idolâtrie et ont déjà détruit plusieurs trésors archéologiques en Irak. L'oasis de Palmyre abrite les ruines monumentales d'une grande ville qui fut l'un des plus importants foyers culturels du monde antique. Son nom apparaît pour la première fois sur une tablette au 19e siècle avant notre ère. Elle fut un point de passage des caravanes entre le Golfe et la Méditerranée et une étape sur la route de la soie. R. I./Agences Avant Palmyre, les Bouddhas de Bâmiyân l En 2001, ce sont les Bouddhas de Bâmiyân qui ont été victimes du fanatisme islamiste. Ces statues bouddhistes monumentales bâties entre le IIIe et le Ve siècle au nord-est de Kaboul (Afghanistan) ont subi des tirs d'artillerie après que l'influent mollah Omar les ait décrétées «idolâtres». Pendant 25 jours, des centaines de talibans venus de tout le pays s'étaient acharnés à les détruire, à coups de roquettes et de dynamite. «L'Unesco et la communauté internationale ont assisté, impuissants, à la destruction des remarquables Bouddhas de Bâmiyân. Les deux statues monumentales témoignaient depuis 1 500 ans de la grandeur de notre humanité partagée» expliquait, amère, l'institution onusienne sur son site. Dommage collatéral de cette destruction, le site archéologique a été pillé et plusieurs morceaux des fresques anciennes qu'il abritait ont été revendues sur le marché noir. Outre les bouddhas de Bâmiyân, les trésors du musée de Kaboul, de Ghazni et d'Herat ont aussi été détruits en mars 2001. Mausolées détruits et manuscrits brûlés à Tombouctou l La progression du groupe islamiste Ansar Dine dans le Nord-Mali à l'été 2012 a coûté cher au patrimoine ancestral de Tombouctou. L'objectif des islamistes : y «détruire tous les mausolées», comme l'avait expliqué l'un des porte-paroles du groupe armé à l'époque. Au total, ils parviendront à en détruire sept sur les seize que compte «la cité des 333 saints», classée au patrimoine mondial de l'Unesco en 1988. Autre sanctuaire culturel dans le viseur des islamistes au Mali, la bibliothèque de l'Institut Ahmed-Baba dans laquelle étaient entreposés des milliers de manuscrits anciens, certains datant du XIIIe siècle. Or, la majorité de ceux-ci ont été sauvés par une poignée de résistants qui les ont acheminés vers Bamako pour les mettre à l'abri. Les islamistes quant à eux, ne sont parvenus qu'à brûler une partie de ce trésor. En effet, une centaine d'ouvrages religieux des XIXe et XXe siècles dont l'intérêt scientifique était moindre ont été victimes de cet autodafé. Le patrimoine irakien en grand danger l L'EI, qui contrôle de larges pans de territoire en Irak et la moitié du territoire de la Syrie depuis la prise de Palmyre, s'est livré à «un nettoyage culturel» en rasant une partie des vestiges de la Mésopotamie antique, selon l'ONU, ou en revendant des pièces au marché noir. Une vidéo diffusée en février 2015 a montré des combattants de l'EI saccager des trésors pré-islamiques dans le musée de Mossoul, deuxième ville d'Irak prise aux premiers jours de leur offensive début juin 2014. Selon des responsables des antiquités, quelques 90 œuvres ont été détruites ou endommagées. Les jihadistes, qui ont aussi mis le feu à la bibliothèque de Mossoul, avaient dynamité en juillet 2014 devant la foule la tombe du prophète Jonas, aussi connu sous le nom de Nabi Younès. Une vidéo diffusée en avril 2015 a montré les combattants de ce groupe détruire à coups de bulldozer, de pioches et d'explosifs le site archéologique de Nimroud, joyau de l'empire assyrien fondé au XIIIe siècle. Ils s'en sont aussi pris à Hatra, cité de la période romaine vieille de plus de 2 000 ans, située dans la province de Ninive (nord). En Libye… aussi l Des islamistes ont démoli et profané dès 2012 plusieurs mausolées à coup de pelleteuse. Plusieurs mausolées ont été détruits par des islamistes extrémistes à coups de pelleteuse ou d'explosifs à travers le pays depuis la révolte qui a renversé le régime Kadhafi en 2011. Pour ces intégristes, ces sanctuaires érigés à la mémoire de saints contreviennent à leur interprétation de l'islam. En 2014, l'Unesco a condamné les actes de vandalisme contre plusieurs mosquées de Tripoli, dont la mosquée Karamanli datant du XVIIIe siècle. En 2013, une attaque à l'explosif a visé un mausolée à Tajoura, banlieue de Tripoli, datant du XVIe siècle et qui était l'un des plus anciens de capitale. En 2012, des dizaines d'intégristes ont fait exploser le mausolée du cheikh Abdessalem Al-Asmar, un théologien soufi du XVIe siècle, à Zliten (est de Tripoli), le plus important en Libye. Une bibliothèque et une université au nom du cheikh ont été la cible de destructions et de pillage. A Misrata, le mausolée du cheikh Ahmed al-Zarrouk a été détruit.