Caractère n Contrairement aux autres espaces de vente des moutons, réservés exclusivement à la gent masculine, à Baba Ali l'achat du mouton est, plutôt, une affaire de toute la famille. Aussi bien le matin qu'à la fin de la journée, les lieux sont investis souvent par des hommes accompagnés de leurs épouses et de leurs enfants. Et les femmes jouent, le plus souvent, le rôle de «l'arbitre» dans la décision finale à prendre. Il faut dire que la sérénité régnant et le respect éprouvé aussi bien par les vendeurs que les clients potentiels, encouragent les pères de famille à s'accompagner des leurs. «On se sent chez nous et il n'y a rien qui puisse perturber notre tranquillité ou attenter à notre dignité. Et puis, même après le coucher du soleil, on ne se sent jamais menacé, tant les vendeurs et les autres automobilistes qui font un saut ici font attention à leurs propos et à leur comportement, et c'est tant mieux», se félicitent plusieurs citoyens croisés sur les lieux. Une femme au marché de bétail, c'est une première dans les annales de la société algérienne ! A Baba Ali, la gent féminine ne fait pas seulement de la figuration, mais constitue un accompagnateur «sérieux» et «décisif». Parfois même, c'est la femme qui demande au vendeur le prix, l'âge et l'origine de la bête du sacrifice. Sans hésitation, ni retenue, et sans que cela ne choque personne. «Lorsqu'on est à l'aise, on peut se permettre ce genre de choses et il n'y a aucune gêne à ce que ma femme négocie le prix avec le vendeur. Les mentalités ont évolué et on doit changer avec…», lance Rabah, la cinquantaine. «D'ailleurs, c'est elle ( sa femme, ndlr) qui m'a proposé de faire une halte pour s'informer sur les prix et la qualité des moutons proposés à la vente. Au début, j'ai hésité, mais dès que j'ai constaté la présence d'autres femmes, je n'ai pas hésité à m'arrêter», soutient cet ingénieur agronome exerçant dans un institut de recherches spécialisés à Boufarik. En fin de compte, le dernier mot est revenu à l'épouse qui a pu convaincre le vendeur à lui céder un «bon» mouton à 42 000 dinars ! Rabah n'a eu qu'à se réjouir de cet acquis. «C'est une directrice commerciale et voilà qu'elle a fait valoir son talent là où il faut», s'est félicité notre interlocuteur. D'autres pères de famille se dirigent vers ce marché aussi en compagnie de leurs enfants afin de prendre une décision finale à même de satisfaire tout le monde, notamment les petits. Et les débats entre les membres d'une même famille sont difficiles à résoudre, lorsqu'il s'agit du mouton de l'Aïd. «Non papa, celui là est meilleur. Il est gros et avec des cornes !», «Papa, je préfère celui-là en noir et blanc !», «Moi, je veux ce petit là, il est le plus mignon…», ce genre d'expressions «inondent», en effet, les deux bords de la route à Baba Ali. Et elles retardent même l'opération d'achat, tant les parents tentent difficilement de concilier les désirs des petits bambins. Et comme dernier recours, les hommes se désengagent, laissant le dernier mot à la maman et ses enfants, comme nous l'avons constaté de visu. «Nous ne voulons pas nous mêler dans ces débats. C'est déjà la fin de journée, et on n'est pas prêt à subir d'autres soucis, étant déjà épuisés par une journée de travail», s'accordent à dire plusieurs pères de famille. Ces derniers attendent, alors, la fin des discussions, souvent houleuses entre leurs épouses et leurs enfants, pour… mettre la main à la poche. Et en finir avec une histoire «turbulente» et se préparer convenablement à perpétuer la sunna d'Abraham…