Les marchés improvisés pour la vente des moutons poussent dans chaque coin et recoin de nos villes Ni l'épidémie de la fièvre aphteuse ni les prix des moutons qui continuent leur ascension n'ont freiné la vente du «kebch»... A moins d'une semaine de la fête de l'Aïd El Adha, la frénésie du mouton continue de grimper! En effet, comme chaque année et à l'approche de cette fête religieuse, «el kebch» est la star incontestée. On ne parle que de lui, on le trouve partout. Dans les rues, sur Internet,...la «kebchmania» est là! Depuis presque un mois déjà, les marchés improvisés pour la vente de ce fameux mouton de l'Aïd poussent dans chaque coin et recoin de nos villes: au niveau des cités populaires, sur les bords des routes, sur certaines places publiques et même dans les cafés et pizzerias... Des pancartes sont accrochées partout pour informer de la «vente de moutons» dans des caves, des locaux de fortune, et dans la plupart des cas, sur les bords de route où l'opération est effectuée en contradiction avec la réglementation en vigueur, portant notamment sur l'obligation de possession de certificats du vétérinaire et l'interdiction de la vente de bétail en dehors des marchés formels. L'épidémie de la fièvre aphteuse qui s'abat sur le pays, mais surtout les prix qui s'envolent n'ont pas freiné les ardeurs des citoyens. Ils envahissent ces «showrooms» pour comparer les prix et éventuellement trouver le mouton idéal. Ils veulent coûte que coûte pérenniser la tradition du prophète Ibrahim (Sls), quel que soit le prix. Il faut dire que le mouton s'est vu pousser des ailes. «L'entrée de gamme» est proposé à plus de 40.000 DA. Les plus robustes sont à pas moins de 70.000 DA. Ils dépassent même dans certains cas la fatidique barre des 100.000 DA! Face à cette situation, les citoyens qui ne veulent pas céder à l'emprise des spéculateurs prennent la direction des Hauts-Plateaux, région réputée pour son élevage ovin et trouver le mouton presque parfait, qui allie la fameuse formule qualité-prix. Certains dénichent les bonnes affaires, alors que d'autres reviennent bredouilles du fait que les éleveurs de ces régions s'alignent souvent sur les prix affichés dans le reste du pays. Néanmoins, d'autres citoyens trouvent leur bonheur plus facilement grâce à un petit clic. Un petit clic suffit... Depuis déjà deux ou trois ans, le mouton squatte l'écran avant d'être sacrifié! Eh oui! Désormais notre mouton de l'Aïd est au bout du clic! Les citoyens peuvent ainsi trouver leur mouton sur les sites de vente par Internet tels que «Ouedkniss. com». Des annonces pullulent ces derniers temps au point où ces sites sont en passe de devenir les marchés aux moutons des temps modernes. «URGENT =Moutons à un prix imbattable. Etat: premier choix...Je mets en vente des moutons de la catégorie (kherfane) pour la fête de l'Aïd El Adha à un prix imbattable, rapport qualité/prix dédié pour un budget familial. On est situé à Belcourt. Vous êtes les bienvenus pour visite/achat. Prix: 40.500 DA négociable»,est le genre d'annonces que l'on trouve. Elle est en plus agrémentée par la photo des moutons dans leurs plus belles «postures». Mais comme la concurrence est très rude, ces annonces sont plus innovantes les unes que les autres! Comme pour la vente de voitures, ces annonceurs n'hésitent pas à donner la provenance du mouton comme référence. Moutons de Naâma, Tiaret ou encore, ce qui est considéré comme le «millésime» pour cette espèce animale, Djelfa, sont mis en évidence par ces vendeurs pour distinguer leur marchandise des autres! Mais ce n'est pas tout! Lisez cette annonce, vous allez comprendre. «Vente de moutons de l'Aïd - très bonne qualité de Djelfa - ne mange que du ZRA3E (EL ch3ire) (orge, Ndlr) prix varient entre 37.000 et 67.000 DA, qualité garantie», propose «un maquignon de la Toile». Celui-ci met donc en évidence la nourriture avec laquelle a été alimenté le mouton pour se distinguer de la concurrence. Le marketing des maquignons de la Toile Les moutons de Nacer, un éleveur de Miliana, présentent toutes les qualités «requises» pour un bon mouton de l'Aïd. Nacer pense même aux petits budgets en leur proposant des brebis. «Vente de moutons et brebis pour l'Aïd El Adha. On propose ceux de la ́ ́race ́ ́ de Ouled Djellal. Ils ont été élevés avec du foin et du chi'r (Orge, Ndlr), ainsi que dans les pâturages de Tissemsilt. C'est une affaire à ne pas rater. Les prix sont négociables. Ils varient entre 30.000 et 70.000 DA. La vente se fait à Miliana», est l'annonce de Nacer sur une page de vente sur Facebook. D'autres, véritables spécialistes du marketing, vont même jusqu'à proposer la livraison à domicile! «Vend de beaux moutons ́ ́kabche el Aïd ́ ́ à des prix raisonnables. Livraison à domicile possible», est-il écrit dans une autre annonce. Les moyens pour attirer la clientèle ne manquent pas. Chacun essaie de se distinguer de son confrère, ce qui pousse parfois à quelques dépassements. Toutefois, malgré le fait que ce genre d'annonces paraissent loufoques et sortent de l'ordinaire, il n'en demeure pas moins que nous avons constaté que le mouton du Net est moins cher que celui qui se vend dehors. Les prix sont fixes, dans certains cas, même négociables. Ils échappent à la spéculation du marché des moutons. La marchandise virtuelle, peut en plus être vue en vraie. Et cerise sur le gâteau, on n'a plus besoin de faire le tour des marchés de bétail et les tracasseries qui va avec pour trouver notre mouton. La modernité qui tarde à se développer dans certains secteurs, a touché les moutons. La «kebch-conexion» est là. Un petit coup de souris, et voilà notre mouton! Les parkings pour moutons Cependant, la galère du mouton ne se termine pas à l'achat. Il faut trouver où le mettre. Quand on a des enfants qui veulent jouer avec ou quand on l'a acheté d'une wilaya lointaine et qu'on habite dans un appartement, il n'est pas du tout aisé de garder son mouton chez soi. Les odeurs nauséabondes et tout ce qui va avec posent un véritable problème. Ce qui a poussé certains malins à trouver une ingénieuse solution. Les commerçants de «l'Aïd» ont inventé les parkings pour moutons. Dans les terrains vagues des quartiers ou les terrains de jeu, ils gardent ces bêtes que les citoyens viennent «garer» en fin de journée, monnayant une somme d'argent qui va de 50 à 150 dinars la nuit. Plusieurs formules sont proposées: sans pension ou en demi-pension. C'est-à-dire, ils vous fournissent la nourriture du mouton ou c'est vous qui la ramenez. Une idée drôle, mais ô combien précieuse! En parlant d'idées burlesques, un marketing de rue est apparu cette année chez les vendeurs de moutons et foin pour attirer les clients. Certains affichent des plaques affirmant, qu'ils ont des moutons «TDI», «HD»... D'autres du foin «redbull» ou vitaminé... Bref, l'Aïd el Kebir est là avec son charme et un esprit de modernité... A cause de la fièvre aphteuse Le sacrifice du veau compromis L'épidémie de fièvre aphteuse touchant seulement les bovins, le sacrifice des ovins n'est pas remis en cause. Le problème se situe toutefois pour certaines familles qui achètent des veaux collectifs. En effet, ces dernières années pour faire face à la flambée des prix des moutons, les familles avaient trouvé un système D. Elles se regroupaient à plusieurs pour acheter un veau et le partager ensuite. Cela leur revient beaucoup moins cher et leur permet de perpétuer la tradition. Mais la fièvre aphteuse aura donc complètement changé la donne. Elles sont donc piégées puisque elles sont placées entre le marteau et l'enclume avec des moutons de «base» qui coûtent presque trois fois le Snmg. Le citoyen n'a donc absolument pas les moyens de s'offrir «kebch el Aïd»... surtout que son portefeuille est déjà affaibli par la rentrée scolaire et les dépenses y afférentes. Mais tradition et coutumes obligent, il se voit contraint de s'endetter pour un mouton. Quel paradoxe pour une terre d'exception comme l'Algérie!