Scène n La générale de la pièce «El Oualiyou Essalah», montée par le Théâtre régional de Batna et présentée au Théâtre régional de Constantine (TRC) a «magnétisé» le public, épaté par l'enchaînement des scènes et la puissance du texte, où chaque mot avait son poids. Mise en scène par Omar Fetmouche, d'après le roman du regretté Tahar Ouettar «El Oualiyou Ettahar Ya'oudou ila maqamihi Ezzaki» (le saint homme retourne à son sanctuaire), adaptée pour les planches par Mohamed Bourahla, la pièce a été présentée en présence du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Bedoui, en visite de travail à Constantine. Le rideau s'ouvre sur des festivités où des disciples fêtent le retour de leur saint au «maqam», le sanctuaire juché sur une montagne où ce guide spirituel avait passé la plus grande partie de sa vie. De retour parmi les siens, le saint homme, campé avec talent par Samir Oudjben, apprend aux membres de la confrérie qu'une épidémie sévissait dans le monde extérieur et que les gens, dehors, «se sont mis à réfléchir, alors que la foi et l'abnégation sont le moteur de la vie du fidèle». Le saint, furieux contre un monde «malade» lance sa sentence : «Ils sont des bons à rien et vous êtes les meilleurs», puis incite ses disciples à éliminer «les malades». Les scènes s'enchaînent et se succèdent, suscitant de profondes réflexions sur le refus de l'autre, l'intolérance, la haine et la pensée unique. Le saint fait de son mieux pour cultiver auprès de ses disciples cette «logique illogique», à savoir «avancer en arrière et reculer à l'avant» pour rester le maître du monde. Alors apparaît Mordjana et ébranle toutes ses certitudes. Belle, curieuse, ouverte, aimant la vie et les gens, respectueuse de la différence, Mordjana, interprétée par Djouher Draghla «ose» diriger la réflexion vers l'extrémisme, l'égoïsme, l'inégalité entre les sexes, devant un saint épris de la belle femme, mais redoutant la fin de son «règne».Il décide alors d'éradiquer l'épidémie qui a gagné son maqam, ses disciples éliminent Mordjana, et sa mort affecte terriblement le saint qui remet en cause ses certitudes et sa propre «logique», celle de se convaincre que lui et ses disciples sont «les meilleurs» et que les autres sont des «bons à rien». C'est alors que le saint, perplexe et indécis, est éliminé par un disciple ambitionnant de s'approprier les lieux. La pièce, jouée en arabe classique, voit la scène se prolonger jusque dans les rangées des spectateurs qui se retrouvent ainsi acteurs et deviennent des éléments actifs de l'œuvre. Une prouesse par laquelle Fetmouche bat en brèche les conventions théâtrales et la «boîte noire». Après le spectacle, le metteur en scène affirmera dans une déclaration à l'APS que la pièce s'est voulue une «passerelle artistique entre le roman et le théâtre». Il a ajouté que le prolongement de la scène jusqu'au public était une manière de «faire renouer le théâtre avec sa vocation originelle», celle «d'aller loin dans la provocation et de pousser le public à être actif à travers l'interactivité et la réflexion».Inscrite dans le cadre du programme du département Théâtre de la manifestation Constantine, capitale 2015 de la culture arabe, cette pièce du Théâtre régional de Batna, dont la scénographie est signée Abderrahmane Zaâboubi et la musique Salim Souhali sera présentée, dans les jours qui viennent, dans plusieurs wilayas, a-t-on noté.