Tension n La Turquie a abattu hier, mardi, un avion militaire russe, provoquant la colère de la Russie qui a dénoncé «un coup de poignard dans le dos». Ce grave incident, le plus grave depuis le début de l'engagement militaire de la Russie aux côtés de l'armée syrienne fin septembre, a provoqué une brusque escalade des tensions qui va compliquer les efforts en cours pour la formation d'une coalition antidjihadiste mondiale. Depuis le début de l'intervention militaire russe en Syrie, intervention à laquelle M. Erdogan est très hostile, des chasseurs turcs ont intercepté à deux reprises des avions militaires russes accusés d'être entrés dans l'espace aérien turc. Le président russe, Vladimir Poutine, a très vivement réagi à l'action de la Turquie, dénonçant un «coup de poignard dans le dos qui nous a été porté par les complices des terroristes». «Notre avion, nos pilotes ne menaçaient nullement la Turquie», a souligné M. Poutine lors d'une conférence de presse. «Cet événement tragique va avoir des conséquences sérieuses sur les relations russo-turques». La destruction du Soukhoï est une «violation flagrante du droit international» qui aura «les conséquences les plus graves», a déclaré le général russe Roudskoï. Lors d'un discours prononcé à Ankara, le président turc, Recep Tayyip Erdogan a justifié le recours à la force par l'aviation turque. «Tout le monde doit respecter le droit de la Turquie à protéger ses frontières», a-t-il déclaré. L'état-major turc a affirmé que le chasseur-bombardier russe avait violé l'espace aérien turc et qu'il en avait été averti «dix fois en l'espace de cinq minutes». Des allégations catégoriquement démenties par le ministère russe de la Défense, qui a assuré que son appareil se trouvait «exclusivement dans l'espace aérien syrien». De plus, selon l'état-major russe, l'armée turque n'a pas tenté d'entrer en contact radio ou visuel avec l'appareil russe avant de l'abattre, contrairement à ce que dit Ankara, et le F-16 turc qui a abattu le Su-24 a pénétré dans l'espace aérien syrien. L'avion russe, un chasseur-bombardier Soukhoï Su-24, a été abattu par deux F-16 turcs et s'est écrasé dans le nord-ouest de la Syrie, au nord de Lattaquié, théâtre de violents combats entre l'armée syrienne, soutenue par l'aviation russe, et des groupes rebelles. Les deux pilotes ont pu s'éjecter avant le crash et sauter en parachute. Mais l'un des deux pilotes a été abattu avant de toucher le sol, a indiqué l'état-major russe, confirmant des informations de sources proches de l'opposition syrienne. «Un des pilotes est mort dans les airs lorsqu'on lui a tiré dessus depuis le sol», a déclaré le général Sergueï Roudskoï, de l'état-major russe. Le commandement militaire russe n'a donné aucune information sur le sort du second pilote. Il a indiqué qu'un soldat russe avait été tué lors d'opérations héliportées engagées en Syrie pour tenter de retrouver l'équipage du Soukhoï. R. I. / Agences Conséquences sur le tourisme l Les autorités russes déconseillent à leurs concitoyens tout voyage en Turquie en raison de la menace terroriste, a annoncé hier mardi le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. «Le nombre de manifestations de terrorisme sur le territoire turc n'est pas moindre qu'en Egypte, selon nos estimations. Nous déconseillons donc à nos concitoyens de se rendre en Turquie à des fins touristiques ou autres», a déclaré M. Lavrov à la télévision. La Turquie constitue la principale destination touristique des Russes avec l'Egypte, vers laquelle toutes les liaisons aériennes ont cessé après le crash de l'Airbus russe dans le Sinaï. Plus de trois millions de touristes russes se sont rendus en Turquie en 2014, le deuxième contingent de visiteurs étrangers dans le pays, derrière l'Allemagne. Le tour-opérateur Natali Tours, l'un des plus importants de Russie, a déjà prévenu qu'il comptait suspendre la vente de séjours en Turquie, selon son directeur Vladimir Vorobiev, cité par l'agence TASS. «Nous allons demander (ce mardi) à tous les voyagistes fonctionnant avec la Turquie combien de touristes russes s'y trouvent», a indiqué le directeur de l'agence fédérale du Tourisme, Oleg Safonov. «Nos touristes ne doivent pas s'y rendre s'il existe une menace pour la sécurité. Actuellement ce n'est pas la saison et j'espère qu'ils ne sont pas nombreux sur place», a-t-il précisé à l'agence Interfax. Iran : un «mauvais message» envoyé «aux terroristes» l L'avion russe abattu hier mardi par la Turquie envoie «un mauvais message aux groupes terroristes» et démontre le besoin «d'une lutte internationale unie» pour les combattre, a estimé le mi-nistre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. «Cet acte montre une fois encore le caractère sensible de la situation en Syrie et son effet sur la paix et la sécurité mondiales, ainsi que la nécessité d'une lutte internationale unie pour combattre le terrorisme», a déclaré M. Zarif lors d'un entretien téléphonique avec son homologue russe Sergueï Lavrov hier soir, selon Hossein Jaber-Ansar, porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Téhéran. «De tels actes peuvent mener à une escalade de la crise syrienne et envoient un mauvais message aux groupes terroristes», a-t-il estimé. Cela «fait croire» en effet aux groupes armés hostiles au régime, dont le groupe djihadiste Etat islamique (EI), «qu'ils peuvent continuer leurs activités terroristes en tirant parti de la division» parmi ceux qui les combattent. Sauvetage du second pilote l Le second pilote de l'avion russe Su-24 abattu hier mardi par la Turquie a été secouru après une opération spéciale menée conjointement par les forces syriennes et russes, a annoncé ce mercredi matin le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou. «L'opération a été un succès. Le pilote a été rapatrié sur notre base» de Hmeimim en Syrie, a déclaré M. Choïgou, cité par les agences russes, remerciant «tous nos hommes qui ont pris d'énormes risques toute la nuit» pour sauver le pilote. Selon le ministre russe, l'opération de sauvetage, menée conjointement par les forces spéciales russes et syriennes, «a duré 12 heures» et a été déclarée terminée à 03H40, heure de Moscou (00h 40 GMT). Panique généralisée l L'Otan a réuni un conseil extraordinaire hier, mardi, tandis que son secrétaire général affirmait, en conférence de presse, que l'Alliance «était solidaire avec la Turquie et soutient son intégrité territoriale», rapporte la chaîne de télévision russe Russia Today. Les chefs d'Etat français et américain,François Hollande et Barack Obama, respectivement, tentent de calmer les esprits en appelant les deux parties à «éviter une escalade.» Cependant, le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, a, pour sa part, qualifié la Turquie «d'acteur imprévisible» dans la région. Dans l'ensemble, ces déclarations dénotent du malaise ambiant dans les relations internationales suite à la décision turque d'abattre l'avion russe. Cela constitue «un grave revers pour la coalition contre Daech», titre Les Echos. La phrase du président russe, Vladimir Poutine, accusant la Turquie d'être un allié objectif des groupes terroristes est lourde de sens : «C'est un coup de poignard dans le dos, de la part des complices des terroristes». Les autorités turques sont effectivement pointées du doigt pour avoir permis à Daech de s'implanter dans la région, note «The Independent». Avec des contrôles aux frontières jugés trop permissifs, favorisant l'arrivée des «djihadistes», la vente de pétrole de Daech et l'acheminement d'armes, le rôle de la Turquie soulève de plus en plus d'interrogations.