Image n Guentour au pied de Tikjda. La neige n'est pas au rendez-vous dans la plaine. Un peu moins dans les cimes. C'est un printemps précoce qui a frappé aux portes de l'hiver, annonçant les prémices de la sécheresse. Guentour et ses habitants sont tout à la joie de lawziâa ou temechret. Implanté entre les agglomérations de Slim et Haïzer dans la wilaya de Bouira, Guentour abrite 82 familles. En cette matinée de samedi du mois de janvier, dans le pré longeant la nationale conduisant à Tikjda c'est littéralement la fête. Et pour cause, on a sacrifié deux bœufs dont la viande sera distribuée dans chaque foyer. Sur deux immenses bâches immaculées étendues sur l'herbe et se faisant face, 82 sachets blancs destinés à la commercialisation des denrées contiennent chacun en moyenne quatre kilos de viande rouge, si ce n'est plus. Lawziâa est une affaire d'hommes, les femmes n'ont qu'à cuisiner. Deux bœufs ont été sacrifiés tôt le matin pour la circonstance. Vieux et jeunes s'affairent dans une ambiance allègre. C'est jour de fête à Guentour. Les enfants tels des oiseaux échappés de leur volière sont là, sous un olivier plusieurs fois centenaire animant de leurs rires et bavardages la journée rituelle. A l'extrême pointe du pré, un buffet est dressé. Des thermos de thé, de café et de lait, des plateaux de gâteaux au miel, des beignets, sfendj et feuilletés. Tout automobiliste qu'il soit des environs ou de passage est invité à se rapprocher du buffet pour gouter aux pâtisseries et galettes préparées par les «belles aux mains ornées de bracelets» (Met'mekiassine) selon une formule dédiée à la beauté féminine. Des villageois, les plus âgés nous expliquent que depuis 1989, le rituel sacrificiel marquant la cueillette des olives à Guentour n'a pas été renouvelé. «Pourquoi ?» «C'est ainsi …» est la réponse de notre interlocuteur qui s'en remet au destin. Heureux de l'initiative, il ajoute : «Ce sont les jeunes hommes de Guentour qui ont décidé de faire revivre cette tradition séculaire, le sacrifice de bovins pour la saison des olives». Tous les anciens et les aînés se disent réjouis de la reprise du flambeau concernant l'esprit de solidarité qui cimentait l'entraide et la cohésion entre les villageois. Lawziâa ouzzemour dont la date est fixée lors d'une réunion des chefs de famille, consacre le début de la cueillette des olives et est organisée entre les mois de novembre et décembre avant «la semaine interdite» d'Iqechachen où l'on ne doit pas entrer dans les oliveraies faute d'être maudit. Nous apprend-on sur les lieux. C'est en quelque sorte pour mettre fin à cette rupture, au niveau de Guentour, d'une des traditions du calendrier agraire, et afin de renouer avec le serment des saisons que Lawziâa ouzzemour a été décidée en ce mois de janvier. «Quelle somme doit verser tout chef de famille pour l'achat des bœufs ?» La question est inappropriée. On l'a senti au léger frémissement des paupières de notre interlocuteur. La réponse vient sans se faire attendre. «Ce sont des dons selon les moyens de chacun. Il y a ceux qui versent 5 000 DA, d'autres plus et ceux qui ne contribuent pas faute de moyens. Ce n'est pas pour autant que le poids de la viande du sacrifice sera moindre pour ces derniers. Le partage est équitable entre tous les membres de tardât. C'est un des commandements de la loi coutumière». Dans un mois, plus exactement entre le 21 et le 27 février, s'écouleront les jours Iaâzaren. La dernière semaine du pressage des olives et celle qui scelle l'activité des huileries.