Vieillies, rabougries, touchées par les incendies, mal entretenues, beaucoup d'oliveraies dépérissent sous les yeux de leurs propriétaires. La campagne de récolte des olives a débuté cette semaine dans plusieurs localités de la wilaya de Béjaïa. À peine la période dite de Lahlal est-elle entrée en vigueur que de nombreuses familles se sont hâtées vers leurs oliveraies malgré l'irritation des vieux paysans qui voient cette précipitation d'un mauvais œil. «Auparavant, la saison des olives était codifiée. Il y avait des règles, des calendriers à respecter…on n'a jamais commencé le ramassage des olives en octobre… maintenant c'est à qui ramasserait le premier ses olives sans aucun respect pour le cycle de maturité !» nous déclare un vieux paysan dépité. Ainsi, A Amizour, Ait Smaïl, Beni-Ksila, Sidi-Aich, Taourirt-Ighil, Tifra… en dépit d'un début de novembre particulièrement pluvieux, l'olivaison a bel et bien commencé. Si dans certaines localités, Tamouqint (règlementation ancestrale de la récolte) même de façon tronquée et timide a été remise au goût du jour, il n'en est pas de même dans d'autres localités où faute de djemââs ou de comités solides, on n'en fait qu'à sa tête. Et les grands gagnants de cette absence de règlementation sont bien évidemment les maraudeurs de tous poils qui se sont déjà illustrés dès septembre passé, en chapardant des olives de la variété azerradj , des olives destinées à la conservation. Vivement Tamouqint, tonnent les victimes du maraudage qui se disent, désarmés, devant cette pratique que seule l'union des communautés villageoise peut contrecarrer. «Avec cette anarchie, la réhabilitation de nos saines traditions ancestrales est devenue une nécessité» nous dit un jeune d'Ait Smail. Convivialité Néanmoins, il existe encore des villages où les préparatifs traditionnels pour l'ouverture de la saison sont remis à l'ordre du jour. Dans ce cadre, Taddart Tamoqrant, dans la commune d'Amizour, a organisé la semaine passée, une Louzia (sacrifice rituel) en l'honneur de cette saison. Trois bœufs ont été immolés à cette occasion pour entamer sous de bons auspices cette nouvelle récolte. Grand moment de partage, de convivialité et de solidarité, la saison des olives est vécue par les communautés villageoises comme une grande fête. Petits et grands, d'un même élan, participent à cette cueillette qui redonne à nos champs leur vie d'antan. A noter que les huileries ont déjà ouvert leurs portes et ont commencé à offrir des aires de stockage aux clients. Dans certaines huileries, les premières cueillettes, constituées essentiellement de fruits récemment tombés ont même été triturées. Quant au rendement de cette année, les paysans interrogés restent sceptiques. «Les bons rendements d'antan qui permettaient aux familles de renflouer leurs budgets, c'est de l'histoire ancienne» explique un vieux de Tifra. La production familiale, c'est un fait, ne cesse de dégringoler d'année en année. Veillées, rabougries, vieillies par les incendies, mal entretenues, les oliveraies dépérissent sous les yeux de leurs propriétaires. Des opérations de greffage et de plantation d'oliviers sont réalisées à travers la wilaya, mais le mal est profond, il faudrait réellement une «révolution agraire» pour redonner à l'olivier sa place dans le paysage brulé et broussailleux de la Kabylie. En attendant, le litre d'huile d'olive non frelatée se négocie entre 450 et 500 Dinars.