Troubles n Affaibli politiquement par une succession de polémiques et de gaffes, le président sud-africain Jacob Zuma prononcera jeudi son discours annuel sur l'état de la nation au Parlement… Une démarche qui intervient, alors que le pays traverse sa période la plus difficile depuis la fin de l'apartheid. Pendant qu'il parlera au Cap (sud), l'opposition et des organisations civiles du mouvement «Zuma must fall» (Zuma doit partir) ont prévu de manifester dans plusieurs grandes villes. A l'Assemblée, la sécurité a été renforcée. L'année dernière, des députés de l'opposition avaient empêché le président de s'exprimer et avaient été expulsés sans ménagement. L'Afrique du Sud connaît un regain de tensions raciales sur fond de profond malaise social. Le chômage touche officiellement 25% de la population et des millions de Noirs vivent encore dans des bidonvilles, près de 22 ans après l'arrivée au pouvoir du Congrès national africain (ANC), parti de Jacob Zuma. La semaine dernière, le chef de l'Etat a même tenté une volte-face sur le scandale qui empoisonne son mandat depuis plus de deux ans. Il s'est dit prêt à rembourser une partie des 20 millions d'euros d'argent public utilisés pour rénover sa résidence privée de Nkandla. Il avait jusque-là refusé de débourser un centime. Une affaire qu'il traîne comme un boulet : chacune de ses apparitions au Parlement est perturbée par des interpellations du groupe de la gauche populiste qui scande : «Rends l'argent, rends l'argent !». Mais cette concession surprise ne suffira sans doute pas à balayer le scandale ou à éviter des éclats de voix pendant le discours annuel. Les deux principaux partis d'opposition ont même prévu de saisir la Cour constitutionnelle mardi, pour obliger le président à rembourser les deniers publics. Les mécontents rassemblés derrière la bannière «Zuma must fall» n'ont pas que Nkandla en tête : l'année 2015 a vu les pauvres se mobiliser contre le manque d'infrastructures et les étudiants manifester violemment contre la hausse des frais universitaires. En décembre, il avait mis à la porte sans explication un ministre des Finances respecté, pour nommer un député inconnu qui faisait figure de pantin. Sous la pression des marchés affolés — la monnaie locale avait aussitôt dégringolé — il avait dû rétropédaler et le remplacer quelques jours plus tard par Pravin Gordhan, un ancien ministre des Finances réputé. «Nous entrons dans l'année la plus éprouvante de la courte histoire de l'Afrique du Sud moderne», estime Allister Sparks, commentateur politique. A moins que Zuma ne soit évincé de la présidence par son propre parti, l'érosion rapide de l'économie «risque de déclencher une violente révolte politique et populiste», écrit-il dans un éditorial. Pourtant, même si l'ANC perd beaucoup de sièges aux municipales, les analystes considèrent qu'il est peu probable que le parti rappelle Zuma : «Il est affaibli, mais affaibli ne veut pas dire fini.» R. I./Agences Eruption de «haine numérique» Aux élections municipales en août, l'ANC pourrait cependant s'en tirer en jouant la carte raciale, à un moment où le sujet plombe le débat politique comme jamais depuis la fin du régime ségrégationniste d'apartheid. Le parti de Nelson Mandela est en effet toujours considéré comme le parti de la libération des Noirs, tandis que l'Alliance démocratique (DA), principal parti d'opposition, reste perçu comme «un parti de Blancs», même si son dirigeant est noir. Les tensions ont culminé récemment quand une membre blanche de la DA s'est plainte sur Facebook des Noirs qui jettent des déchets sur les plages, les comparant à des «singes». Une employée du gouvernement, Velaphi Khumalo, a répondu sur les réseaux sociaux que les Noirs devaient se comporter avec les Blancs «comme Hitler avec les juifs». Même si ces éruptions de haine numérique ne reflètent pas forcément la majorité de la population, certains analystes pensent que les controverses raciales pèseront plus que les enjeux économiques aux élections locales.