Débat n Nahda, renaissance, refondation, les mots ont été nombreux pour expliciter la nouvelle littérature algérienne née dans les années 1990 au niveau de l'espace des éditions Chihab, avec Gilles Kraemer et Hervé Samson. Le premier, directeur des éditions et de la revue Riveneuve, le second, universitaire, spécialiste de la littérature algérienne. Ils ont tous deux tenté d'évaluer les trajectoires récentes empruntées par le champ littéraire francophone en Algérie. Parlant de la dimension «nahda» ou le renouveau de l'écriture littéraire algérienne, Gilles Kraemer confirme sa réflexion tenant compte des nouvelles formes d'expression apparues dans le champ littéraire à l'exemple du polar, de la BD et des nouvelles. Un point de vue attesté par sa connaissance des ouvrages des auteurs algériens publiés par ses éditions en France. Il ira jusqu'à parler de fracture entre les auteurs «anciens et modernes», faisant allusion aux écrivains ayant émergé durant la colonisation avec une écriture née des réalités sociales et politiques de l'époque mais influencée par la littérature française. Les hommes et femmes de lettres contemporains, selon Gilles Kraemer ont adopté de nouveaux genres et écritures qui pour l'éditeur sont une ouverture par leur propre moyen d'écriture. Concernant la BD ou le style manga, l'éditeur a dit son étonnement face à la rapidité de l'émergence du manga algérien et l'engouement qu'il suscite au sein d'une frange de fans. Il a également mis en exergue l'essor du genre littéraire de la nouvelle dans le paysage livresque algérien actuel, un style loin d'avoir été affectionné par les «anciens». Pour sa part, Hervé Samson, direct et concis, n'a pas adhéré au concept de nahda littéraire. «Moins qu'une nahda, plus qu'un air de flûte», a-t-il déclaré en faisant allusion à Assia Djebar et Malek Alloula. Deux figures de la littérature algérienne, qui ont transmis, selon sa thèse, aux romanciers et poètes actuels, leur langage d'aînés, forgé par une «refondation identitaire» issue du drame algérien. Elle serait la source d'inspiration ayant donné des textes comme «Le dernier juif de Tamentit» ou «Les Républiques de l'errance». Quel que soit le style de l'écriture littéraire algérienne francophone de ces 15 dernières années, il est, dira Hervé Samson, marqué par «une hybridité des langages». Un métissage de mots en arabe algérien ou en tamazight qui le ramène d'une part à l'identité, d'autre part à une écriture destinée à un lectorat précis. Cette particularité reflète, signale Hervé Samson, «une configuration algérienne» s'interprétant sur le contexte socioculturel. Donc s'adressant au lecteur algérien. Riveneuve est une maison d'édition «des destins engagés et ouverts sur le monde». Installée d'abord à Marseille, elle s'établira en 2007 à Paris. Elle affiche une cinquantaine de titres par an entre romans, essais, biographies et autobiographies, pièces de théâtre, recueils de poèmes. Sa revue Riveneuve Continents publie chaque année, un numéro spécial s'inspirant de tous les coins du monde. Cette année 2016, elle est consacrée au renouveau de la littérature algérienne post années 1990 avec «Algérie, la nahda des lettres, la renaissance des mots».