Une maison d'édition française « Riveneuve », qui ne compte pas parmi les plus en vue outre-méditerranée, tente de se frayer un chemin dans le marché algérien avec pour première tentative d'écouler le dernier numéro de sa revue semestrielle « Algérie, la Nahda des lettres, la renaissance des mots ». Sortie en mai 2015, cette nouvelle édition est intégralement réservée à la littérature algérienne contemporaine, notamment d'expression française. En expliquant le choix de la thématique dans une rencontre avec la presse, tenue mercredi dernier à la librairie des éditions Chihab, à Bab El-Oued, son représentant, Gilles Kraemer, s'est interrogé sur une situation de « blocage » dont pâtirait l'Algérie à l'heure des grands « changements » qui secouent la région du Moyen-Orient. On parle de littérature certes, mais le label controversé utilisé ici, à savoir le « printemps arabe », prête à équivoque. « Peut-on parler et écrire à un moment où tout semble bloqué », s'est-il franchement demandé sans pour autant expliquer la nature de ce supposé « blocage », encore moins les tenants et les aboutissants d'une approche curieuse à bien des égards. Tout observateur, fut-il le plus critique, de la scène culturelle en général et littéraire en particulier, ne divergerait pas sur la dynamique d'un secteur revenu de très loin grâce à l'implication de ses acteurs du secteur public ou privé. Œuvres de très bonne facture Le fait est là : de nombreux jeunes ambitieux, femmes ou hommes, arabophones, amazighophones ou francophones, investissent, chaque année, le monde de l'écriture, en jouissant d'une liberté d'expression très difficile à remettre en cause. Dans le roman, la poésie, la nouvelle, le théâtre, l'essai... la production est nettement plus prolifique que les années précédentes, malgré quelques insuffisances liées, en somme, à un marché du livre qui se construit petit à petit. Du côté des maisons, le monopole de l'ex- Société nationale d'édition et de diffusion n'est plus qu'un souvenir. Une cinquantaine d'éditeurs privés ont, aujourd'hui, pignon sur rue. Certains par des œuvres de très bonne facture, qui honorent les grands évènements réservés au livre, le Salon international du livre d'Alger en tête. Quoi qu'on dise de l'autre côté de la rive, la littérature algérienne, nourrie par le talent de ses jeunes représentants et la volonté manifeste des pouvoirs publics de remettre au point les choses, se porte plutôt bien. Loin des grandes messes livresques célébrées en grande pompe dans le monde, où l'on porte aux nues des écrivains en rupture de ban avec leur société - nous pensons à Boualem Sansal en premier chef — nos auteurs s'adonnent à l'art de la plume avec courage, liberté et dignité. On ne dénigre pas son pays quelle qu'en soit la cause. Notre printemps, si l'on reprend le titre du premier roman de Rachid Mimouni, n'en sera que plus beau.