La générale de la pièce de théâtre «Les Morts vivants», présentée mercredi à Alger, a rappelé au public la triste réalité de l'artiste qui peine toujours à se faire une place dans une société délabrée où le monde des choses règne en maître absolu, au détriment de celui des idées. Devant le public relativement nombreux de la salle Mustapha-Kateb du Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA), cinq comédiens issus du Mouvement théâtral de Koléa (MTK) ont, 80 mn durant, mené les débats d'une trame écrite et mise en scène par Youcef Taouint. Choisissant pour procédé technique de présentation lors de la scène d'exposition, «le théâtre dans le théâtre», Selami Zineb, Labri Djamel Eddine, Djebar Adel, Koubbi Oussama et Kamel Kassimi sont en répétition dans une cave d'immeuble mise à leur disposition par le concierge. Interprètant les personnages de la tragique histoire d'«Hamlet» (1601), prince du Danemark de William Shakespeare (1554-1616), les comédiens ont fait montre de leurs grandes capacités à porter un tel texte où les caractères sont des plus complexes. Pourtant, ces artistes émérites qui voudraient bien vivre de leur passion vont se rendre compte qu'ils évoluent dans une société qui donne malheureusement la priorité au «paraître» au détriment de l'«être», faisant ainsi fi de tout ce qui se rapporte à la pensée, à l'art et à la culture. Cet état des lieux sur le quotidien de l'artiste et la complexité de son rapport avec son environnement est traduit dans la pièce par des scènes métaphoriques, portées par un propos tranchant et allusif. Ainsi, la clé de la porte de la salle de répétition, symbolisant l'aboutissement et la réussite de la pensée dans ses projections, disparaît subitement, mettant les comédiens dans une situation d'enfermement. De même pour les différents bruitages qui arrivent de l'extérieur et qui renvoient à des atmosphères d'émeutes sociales, à des affrontements, à la bureaucratie, aux complots contre l'intellectuel et aux chansons de «mauvais goût» car provenant d'«urnes bourrées de mauvaises voix». Dans un rythme ascendant et soutenu, les dialogues ont été entretenus dans une rhétorique réaliste et un jeu plein, assuré par des comédiens talentueux qui ont occupé tous les espaces de la scène. Dans un décor unique aux accessoires multiples qui ont servi à marquer les transitions, de belles atmosphères ont été créées par une utilisation judicieuse de l'éclairage et des compositions musicales illustratives. De belles chorégraphies, signées Riad Beroual, ont aidé à l'intégration de manière naturelle, des corps dans l'esprit de la trame, lui donnant également une force visuelle et esthétique appréciée par le public.